Skip to main content

La communion par la diminution 

Cette prière de Pierre Teilhard de Chardin est extraite de son livre Le Milieu divin, Éditions du Seuil, 1957, p.84-85. Elle exprime l’état de communion avec Dieu dans l’état de maladie incurable et de diminution des capacités vitales de l’être humain tant physiques qu’intellectuelles. Pierre Teilhard de Chardin, né le 1er mai 1881 à Orcines dans le Puy de Dôme et mort le 10 avril 1955 à New-York aux États-Unis, est un prêtre jésuite français, chercheur, paléontologue, théologien et philosophe. 

Mon Dieu, il m’était doux, au milieu de l’effort, de sentir qu’en me développant moi-même, j’augmentais la prise que vous avez sur moi; il m’était doux, encore, sous la poussée intérieure de la vie, ou parmi le jeu favorable des événements, de m’abandonner à votre Providence.

Faites qu’après avoir découvert la joie d’utiliser toute croissance pour vous faire, ou pour vous laisser grandir en moi, j’accède sans trouble à cette dernière phase de la communion au cours de laquelle je vous posséderai en diminuant en vous.

Après vous avoir aperçu comme Celui qui est un « plus moi-même », faites, mon heure étant venue, que je vous reconnaisse sous les espèces de chaque puissance, étrangère ou ennemie, qui semblera vouloir me détruire ou me supplanter.

Lorsque sur mon corps (et bien plus sur mon esprit) commencera à marquer l’usure de l’âge; quand fondra sur moi du dehors, ou naîtra en moi, du dedans, le mal qui amoindrit ou emporte; à la minute douloureuse où je prendrai tout à coup conscience que je suis malade ou que je deviens vieux; à ce moment dernier, surtout, où je sentirai que je m’échappe à moi-même, absolument passif aux mains des grandes forces inconnues qui m’ont formé; à toutes ces heures sombres, donnez-moi, mon Dieu, de comprendre que c’est Vous (pourvu que ma foi soit assez grande) qui écartez douloureusement les fibres de mon être pour pénétrer jusqu’aux moelles de ma substance, pour m’emporter en Vous.

Oui, plus, au fond de ma chair, le mal est incrusté et incurable, plus ce peut être Vous que j’abrite, comme un principe aimant, actif, d’épuration et de détachement. Plus l’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse ou un passage obscur, plus, si je m’y aventure sur votre parole, je puis avoir confiance de me perdre ou de m’abimer en Vous, – d’être assimilé par votre Corps, Jésus.

O Énergie de mon Seigneur, Force irrésistible et vivante, parce que, de nous deux, Vous êtes le plus fort infiniment, c’est à Vous que revient le rôle de me brûler dans l’union qui doit nous fondre ensemble. Donnez-moi donc quelque chose de plus précieux encore que la grâce pour laquelle vous prient tous vos fidèles. Ce n’est pas assez que je meure en communiant. Apprenez-moi à communier en mourant.