Cliquez sur l’article de votre choix
L’aujourd’hui de Dieu
La lecture d’un chapitre du livre L’intelligence de la liturgie de Paul DE CLERCK (Paris, Cerf, coll. « Liturgie » no 4, 1995, p. 141-158) a été pour moi une source d’inspiration pour mieux comprendre la temporalité en liturgie.
« Aujourd’hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l’entendez » (Luc 4, 21). En prononçant cette parole à la suite de la lecture d’un extrait du livre d’Isaïe, Jésus informe ses auditeurs que la libération promise s’actualise par sa présence en ce monde. Cette présence ne nous a jamais quittés et cette parole est toujours actuelle. Elle proclame que « Dieu est à l’œuvre en cet âge » (Didier Rimaud). La liturgie eucharistique nous situe dans ce rapport d’actualité avec Dieu par son Fils et dans l’unité de l’Esprit. Les textes des prières sont formulés au présent comme expression actuelle à Dieu vivant parmi nous.
La liturgie introduit dans notre actualité le fruit de l’événement passé de sa résurrection et rend possible le passage entre nos morts quotidiennes et une vie renouvelée. Ainsi, le passé est ramené au présent et non le contraire. Les prières font appel aux œuvres de Dieu, pour lui en demander le prolongement dans le monde actuel.
La liturgie anticipe aussi sur la vie future. Elle nous donne à voir et à goûter notre rencontre ultime avec Dieu et le retour de Jésus à la fin des temps. « Sur nous tous enfin, nous implorons ta bonté : permets (que)… nous ayons part à la vie éternelle, et que nous chantions ta louange et ta gloire, par ton Fils Jésus, le Christ » (Intercession à la fin de la Prière eucharistique II). Notre communion à Lui dans l’Eucharistie est le signe de notre communion future et définitive avec Lui et avec nos frères et sœurs en humanité.
Au cours de la liturgie, sont donc évoqués le passé dans le mémorial et le futur de l’attente du retour glorieux du Christ. Ces deux dimensions : passé et futur se rencontrent ainsi dans le présent (l’Aujourd’hui) de Dieu.
© Victor Bilodeau, 2022
HÉRITIERS DU BONHEUR
(Le dessein du Dieu sur nous)
« Ce que tu as vu passer comme un Monde, derrière le chant (…), derrière les yeux, n’est pas ici ni là : c’est une PRÉSENCE répandue partout. Présence vague encore (…) mais progressive et profonde, en Qui aspirent à fondre toute diversité et toute impureté. » Teilhard de Chardin (1)
« Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. Il convoque tous les hommes que le péché a dispersés dans l’unité de sa famille, l’Église. Pour ce faire, Il a envoyé son Fils comme Rédempteur et Sauveur lorsque les temps furent accomplis. En Lui et par Lui, Il appelle les hommes à devenir, dans l’Esprit Saint, ses enfants d’adoption, et donc les héritiers de sa vie bienheureuse. » (2)
© Pierre Blanchette, 2021
QU’EST-CE QU’UN SACREMENT ?
Les sacrements sont :
Les sacrements nous font prendre conscience de la présence aimante et agissante de Dieu au milieu de nous. Ils sont un « signe visible d’une réalité invisible ». (Saint-Augustin, 354−430)
Les sacrements contribuent à faire naître et grandir le Christ en nous.
Les sacrements ne sont pas une fin en soi. Ils impliquent un engagement de notre part. L’amour reçu de Dieu nous est confié pour que nous portions du fruit au cœur du quotidien.
Les sacrements comportent trois dimensions
Un signe. C’est ce que l’on voit : de l’eau, de la lumière, du pain, du vin, des mains imposées, etc. Ces signes sont visibles.
Un signe indique une réalité extérieure à lui-même. Par exemple, une salutation de la main indique l’amitié, un feu rouge sur la route indique la nécessité d’immobiliser son véhicule, les miracles de Jésus indiquent la présence agissante de Dieu. Sacrement veut dire signe sacré (Saint-Augustin)
Une parole. Chaque sacrement implique l’énoncé de paroles précises, comme « Je te baptise, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. »
Un symbole. Ces signes et ces paroles expriment pour les croyants la présence et l’action de Dieu.
Dans le cas de l’Eucharistie : « Ce signe, inchangé en apparence, livre le Verbe incarné en personne, tout son être et tout son amour humains et divins.» (2) Le pain et le vin deviennent « présence réelle » (transsubstantiation).
L’efficacité des sacrements : ex opere operato et opere operantis
Les sacrements « RÉALISENT CE QU’ILS SIGNIFIENT ». Ils sont des signes sensibles et efficaces de l’action du Christ en faveur de la personne humaine.
Les sacrements agissent « EX OPERE OPERATO, c’est-à-dire du seul fait que l’action est accomplie. Les sacrements donnent réellement la grâce qu’ils signifient.
Il s’ensuit que « le sacrement n’est pas réalisé par la justice de l’homme qui le donne ou le reçoit, mais par la puissance de Dieu » (Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa, q. 68, a. 8.) « Dès lors qu’un sacrement est célébré conformément à l’intention de l’Église, la puissance du Christ et de son Esprit agit en lui et par lui, indépendamment de la sainteté personnelle du ministre. » (3)
Bien que les sacrements donnent la grâce ex opere operato, du fait de l’accomplissement même de l’acte, Dieu tient compte des dispositions de l’âme humaine qui le reçoit. Il tient compte de notre liberté. « (…) les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit. » (4)
« La libre initiative de Dieu réclame la libre réponse de l’homme (…)» (4)
L’expression théologique qui exprime cette idée est que les sacrements sont efficaces « EXOPERE OPERANTIS » aussi bien qu’ex opere operato.
Ils sont efficaces ex opere operantis parce que, comme l’indique Saint-Augustin, « Dieu qui nous a créés sans nous ne nous sauvera pas sans nous ».
© Pierre Blanchette, 2021
MÉMORIAL ET ACTION DE L’ESPRIT
Note au lecteur : Les lettres mises en majuscule sont de moi afin de faire ressortir davantage le fil conducteur du texte.
« L’Eucharistie est le mémorial de la Pâque du Christ : c’est-à-dire de l’œuvre du salut accomplie par la vie, la mort et la résurrection du Christ, ŒUVRE RENDUE PRÉSENTE par l’action liturgique. » (1)
« Faites ceci en mémoire de moi. »
« Au sommet de l’économie des sacrements, il y a l’eucharistie, sacrement du corps et du sang de Jésus, QUI CONSTRUIT L’ÉGLISE DANS LE TEMPS en faisant d’elle le corps mystique du Christ.
(…) Pour comprendre la nature et la portée de l’eucharistie il faut partir de l’idée de MÉMORIAL, issue des paroles : « FAITES CECI EN MÉMOIRE. » Étant donné les références au corps livré et au sang versé, cette mémoire concerne à l’évidence la PASSION de Jésus, mais aussi son aboutissement, la RÉSURRECTION. » (1)
L’eucharistie est un mémorial au sens le plus fort du terme. Le mystère pascal (mort et résurrection) ACCOMPLIT POUR NOUS ICI ET MAINTENANT CE QU’IL SIGNIFIE.
L’action de l’Esprit rejaillit jusqu’à nous
L’eucharistie est à la fois mémorial du Christ et action de l’Esprit. Elle est le lieu privilégié dans lequel le dynamisme pascal, rendu actif par l’Esprit, TRAVERSE LE TEMPS.
« C’est l’Esprit qui active la puissance énergétique du Mémorial. (…) L’imploration à l’Esprit ou épiclèse est à la fois une demande pour que l’Esprit transforme le pain et le vin, et une demande pour que, sous l’action de l’Esprit, la célébration du Mémorial soit vraiment efficace, qu’elle porte tous ses fruits, ET QUE NOUS SOYONS NOUS-MÊMES REMPLIS D’ESPRIT. » (2)
© Pierre Blanchette, 2021
LES SIGNES DU PAIN ET DU VIN
« Les signes essentiels du sacrement eucharistique sont le pain de blé et le vin du vignoble, sur lesquels est invoquée la bénédiction de l’Esprit Saint et le prêtre prononce les paroles de la consécration dites par Jésus pendant la dernière Cène : « Ceci est mon Corps livré pour vous (…) Ceci est la coupe de mon Sang… » (1)
Des signes profondément enracinés
Pendant plusieurs siècles dans l’Église, notamment de la fin du IVe au Xe siècle, « le pain et le vin étaient très concrètement le fruit du travail des fidèles, et l’Eucharistie, profondément enracinée dans la vie agraire des communautés paysannes, étaient aussi action de grâces pour les fruits de la terre. » (2) En effet, il y avait « l’obligation pour les fidèles d’apporter chaque dimanche à la table eucharistique leur offrande, des pains déjà cuits ou de la farine, du vin dans des cruches. » (3) On insistait également sur la responsabilité des plus riches à l’égard des plus pauvres dans ce qu’on devait apporter.
Le signe du pain
La veille de sa passion, à la dernière Cène, Jésus fait « don de son corps comme pain pour la vie du monde. » (4) Peu de temps avant, il y avait eu le miracle de la multiplication des pains comme signe avant-coureur de ce don total de lui-même qu’il a fait à son dernier repas.
Le signe du vin
Le signe du vin nous conduit au symbole de la vigne, très riche au plan christologique. » Elle (la vigne) signifie l’union indissoluble de Jésus avec les siens qui, par lui et avec lui, sont tous la vigne et dont la vocation consiste à « demeurer » dans la vigne. » (5)
On attend de la vigne des raisins et donc un vin délicieux. Ainsi la vigne « a toujours besoin d’être nettoyée, purifiée. » (6)
QUESTIONS D’ACTUALISATION (rendre actuel)
© Pierre Blanchette, 2021
« L’Eucharistie fait l’Église. »
Source et sommet, c’est quand deux réalités sont causes l’une de l’autre. « L’Église fait l’Eucharistie, mais l’Eucharistie fait également l’Église. » (1)
La vie chrétienne a deux objectifs que l’Eucharistie signifie et réalise : la communion de vie avec Dieu et l’unité des êtres humains. Le monde est une réalité à construire, à entretenir, à rénover. Le Dieu Sauveur est aussi le Dieu Créateur. L’Eucharistie initie la vie chrétienne et lui permet d’atteindre son sens ultime.
« L’Eucharistie concentre toutes les énergies du ressuscité. Ainsi la Puissance de l’Esprit donne vie nouvelle au pain et vin qui devient Christ pour tout un chacun. Cette puissance de transformation constitue l’action de grâces du chrétien appelé à changer le monde, car c’est toute la création qui est en enfantement de résurrection. » (2)
L’Eucharistie engage envers les pauvres
« Pour recevoir dans la vérité le Corps et le Sang du Christ livrés pour nous, nous devons reconnaître le Christ dans les plus pauvres, ses frères. » (3)
« Tu as goûté au Sang du Seigneur et tu ne reconnais même pas ton frère. » (S. Jean Chrysostome)
QUESTIONS D’ACTUALISATION (rendre actuel)
© Pierre Blanchette, 2021
PAIN VIVANT
Jésus dit : « Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais (…). Qui mange ma Chair et boit mon Sang a la vie éternelle (…) il demeure en Moi et Moi en lui » (Jn 6, 51. 54. 56). (1)
Jésus est « pain vivant » à travers sa parole (ce qu’il dit) et à travers son corps (ses actes). L’intégrité d’une personne rend indissociable ces deux aspects. « Les bottines suivent les babines », dit-on dans le langage courant.
À l’Eucharistie, on nous présente « le Pain de vie pris sur la Table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ ». (2) La manne au désert préfigurait l’Eucharistie. « Jésus leur dit (…) Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais c’est mon père qui vous donne le véritable pain du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » (Jn 6, 32-33).
La richesse de ce sacrement
« On l’appelle Eucharistie parce qu’il est action de grâce. Les mots eucharistein et eulogein rappellent les bénédictions juives qui proclament – surtout pendant le repas – les œuvres de Dieu : la création, la rédemption et la sanctification. » (3)
Repas du Seigneur et fraction du Pain
« Repas du Seigneur parce qu’il s’agit de la Cène que le Seigneur a prise avec ses disciples la veille de sa passion, et de l’anticipation du repas des noces de l’Agneau dans la Jérusalem céleste (…). Fraction du Pain. C’est à ce geste que les disciples Le reconnaîtront après sa résurrection, et c’est de cette expression que les premiers chrétiens désigneront leurs assemblées eucharistiques. » (4) « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, à la fraction du pain et aux prières. » (Ac 2, 42)
Un corps aux dimensions cosmiques
« Le Corps eucharistique est celui du Jésus historique transfiguré dans le Christ ressuscité. C’est le corps de l’enfant dans la crèche, le corps souffrant la passion sur la croix, le corps ressuscité et glorifié. Et ce corps englobe toute l’humanité et tout l’univers. » (5)
« Le Christ, dont la présence est actualisée par l’Esprit, n’identifie pas seulement le pain et le vin à son corps et à son sang, il relie cette identification à la notion de « multitude », « pour laquelle il s’offre lui-même. » (6) (Mt, 26 – 28).
QUESTIONS D’ACTUALISATION (rendre actuel)
© Pierre Blanchette, 2021
L’ESSENTIEL
Note au lecteur : En italique se trouve des questions fréquemment posées. Les réponses sont extraites en grande partie de citations d’auteurs reconnus.
C’est l’AMOUR, ni plus ni moins.
C’est d’ailleurs dans cette perspective qu’il faut considérer l’Eucharistie. « Le Seigneur ayant aimé les siens, les aima jusqu’à la fin. Sachant que l’heure était venue de partir de ce monde pour retourner à son Père, au cours d’un repas, il leur lava les pieds (geste de service) et leur donna le commandement de l’amour.
Pour leur laisser un gage de cet amour, pour ne jamais s’éloigner des siens et pour les rendre participants de sa Pâque, il institua l’Eucharistie comme mémorial de sa mort et de sa résurrection, et il ordonna à ses apôtres de la célébrer jusqu’à son retour, les établissant alors prêtres du Nouveau Testament. » (1)
En effet, de par sa nature, l’amour cherche à se transmettre, à grandir, à se maintenir, à se perpétuer et à s’immortaliser dans l’espace et dans le temps. Par analogie, l’amour que des parents portent pour leur enfant ne s’arrête pas avec la mort. Dans cette continuité, il prend simplement une nouvelle dimension. Dieu, en Jésus, refuse de capituler devant le fait que tout s’arrête avec son départ. Dans la vie, il y a quelque chose de plus fort que le pragmatisme des apparences extérieures, c’est l’AMOUR.
© Pierre Blanchette, 2021
Commentaire sur le discours sur Pain de Vie
Jean 6, 22-59
Nous invitons le lecteur ou la lectrice à lire le discours sur le Pain de vie avant la lecture de ce résumé du commentaire de Jean Zumstein publié dans le livre : Le Nouveau Testament commenté, Texte intégral Traduction œcuménique de la Bible sous la direction de Camil Focant et Daniel Marguerat, Bayard, 2012, p. 437.
Cet extrait de l’Évangile de Jean et ce texte explicatif nous éclairent sur le Don de Vie de Jésus pour nous.
Constatant l’absence de Jésus et de ses disciples, la foule quitte le lieu où s’est produit le signe (multiplication) des pains et regagne Capharnaüm pour retrouver Jésus et se mettre à l’écoute de son enseignement. L’entretien comprend cinq échanges.
Le premier échange porte sur la véritable nature du pain offert par Jésus. Face à la foule qui l’a rejoint, Jésus opère une distinction fondamentale. Alors que ses auditeurs sont en quête du pain matériel qui assure l’alimentation quotidienne, et qu’ils croient l’avoir trouvé grâce au miracle qui vient d’avoir lieu, c’est un autre pain que Jésus a en vue, non pas une nourriture périssable, mais une nourriture qui donne véritablement la vie. Ce pain est la révélation que Dieu offre à travers la personne de son Fils. Pour l’obtenir, le seul « travail » requis est la foi en Jésus.
Dans un deuxième échange, la foule, tout en admettant que le véritable pain est un don, s’interroge sur l’identité et la légitimité du donateur. Elle demande un signe qui authentifie la prétention de Jésus, car elle possède déjà, dans son histoire, un mythe du pain – le récit du don de la manne au désert (Exode 16). Face à ce rappel, Jésus invite ses interlocuteurs à un changement de perspective : la source du pain ne se trouve pas dans un passé célébré par la tradition, mais dans le présent. Le véritable donateur n’est plus Moïse, mais Dieu lui-même. Ce pain qui est donné par Dieu et qui descend du ciel n’est plus une matière – la manne – mais une personne. Et la qualité insurpassable de ce pain « céleste » et d’offrir la vie en plénitude au monde dans son ensemble.
Le troisième échange porte l’argumentation à son point culminant. En réponse à la demande de la foule, Jésus clarifie sans ambages son identité par la déclaration « Je suis le pain de vie ». Cette parole est accompagnée d’une promesse. En s’identifiant au pain, Jésus se présente comme celui qui, à l’exclusion de tout autre, est et donne ce qui est le plus nécessaire à la vie de chaque être humain. Cet accès à la vie en plénitude, exprimé à travers les métaphores de la faim et de la soif, n’est possible que dans la foi.
Le quatrième échange est également un commentaire en lien avec l’identification de Jésus au « pain de vie ». Les « Juifs », qui ont remplacé la foule, interviennent pour mettre en question cette prétention. C’est le scandale de l’incarnation. Comment un homme ordinaire, le fils de Joseph, pourrait-il être le pain de vie descendu du ciel? Jésus répond à ses contradicteurs par deux arguments. Tout d’abord, seul l’appel de Dieu et une lecture fondée sur l’Écriture, en particulier des prophètes, permettent de découvrir sa véritable identité. Ensuite, il est le seul à avoir vu Dieu et il est donc le seul à pouvoir le représenter parmi les hommes. C’est pourquoi, à la différence de la génération du désert qui est morte bien qu’elle ait bénéficié de la manne, il est le seul – en tant que pain descendu des cieux – à offrir la vie éternelle.
Le dernier échange entre Jésus et les Juifs prend appui sur l’identification que Jésus a faite entre le pain et sa chair… La dispute qui oppose les Juifs entre eux signale un changement dans la terminologie : il ne s’agit plus de manger le pain descendu du ciel, mais de manger la chair de Jésus. Comme le montre la réponse de Jésus, les expressions « manger la chair du Fils de l’homme » et « boire son sang » appartiennent au langage eucharistique. La perspective adoptée est celle du Christ ressuscité : la question abordée est celle de l’appropriation du sens salvateur de la mort du Christ… À travers la célébration de l’eucharistie, le croyant reçoit la vie en plénitude dont le garant est la résurrection au dernier jour. L’eucharistie est riche d’une telle promesse: parce qu’à travers elle se construit une véritable relation entre Jésus et le croyant.
Résumé de
Victor Bilodeau
© Victor Bilodeau, 2021
Le miracle de la multiplication des pains préfigure le don total que Jésus fera de lui-même à son dernier repas, la veille de sa Passion.
« En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Marc 6, 34
Jésus n’a pas multiplié les pains et les poissons sur demande, mais par TENDRESSE. La tendresse est liée au geste. Ma grand-mère avait une expression pour nommer la tendresse : les PETITS SOINS. C’était pour elle la « tendresse en actes ».
Jésus aimait ceux et celles rassemblés autour de lui. Multiplier et rompre le pain, c’était partager ensemble l’amour qui vient de Dieu.
« Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction et rompit les pains ; il les donnait aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous. » Marc 6, 41
Les termes utilisés « prendre, bénir, rompre et partager » sont le reflet de son dernier repas. Le pain et la coupe de vin qu’il a partagés à la Cène représentent son corps et son sang. Le corps symbolise toute sa personne et le vin, sa vie.
« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » Jean 6, 54
Questions pour pousser la réflexion :
– A-t-on idée de l’impact, sur notre propre vie, de la personne vivante du Christ que nous recevons à chaque Eucharistie? Croyons-nous qu’il se laisse émouvoir?
– Notre quotidien est-il fait de « petits soins », ceux que nous recevons, ceux que nous donnons? Imaginons une existence sans tendresse, quelle désolation. Si on se plaint parfois d’en recevoir peu, on a quand même le pouvoir d’en donner beaucoup. Amour attire amour.
© Pierre Blanchette, 2021
LE TÉMOIGNAGE DE JUSTIN
Le témoignage le plus connu relatif à l’Eucharistie, rédigé quelques années à peine après les évènements rapportés dans le Nouveau Testament, est celui du philosophe Justin de Naplouse. On le connait aujourd’hui sous le nom de Saint-Justin. Il naquit en Galilée à Flavia Neapolis (aujourd’hui Naplouse de Cisjordanie). Il s’agit d’un secteur de la Galilée non loin du puits où Jésus avait promis l’eau vive à la Samaritaine. Justin se convertit à la foi chrétienne vers les années 130.
Vers 150, il adressa à l’empereur Antonin le Pieux deux lettres pour défendre la foi chrétienne. C’est là qu’il parle de l’Eucharistie. Il a rédigé ses requêtes (que l’on appelle apologie) pour sauver la vie des chrétiens qui sont condamnés parce qu’ils portent ce nom. Justin fera son témoignage au péril de sa propre vie. En effet, il sera lui-même exécuté vers 165.
Les citations suivantes, tirées de son Apologie, font ressortir trois aspects de la célébration chrétienne :
Une communauté de charité et de prière
« Ceux qui ont des ressources viennent en aide à tous ceux qui sont dans le besoin, et nous nous prêtons toujours assistance.
Dans tout ce que nous offrons, nous bénissions le créateur de l’univers par son Fils Jésus Christ et par l’Esprit Saint.
Célébration dominicale
Le jour que l’on appelle jour du Soleil, tous, qu’ils habitent les villes et les campagnes, se rassemblent en un même lieu.
On lit alors les Mémoires des Apôtres ou les Écrits des Prophètes aussi longtemps que le temps le permet.
Quand le lecteur a terminé, celui qui préside prend la parole et exhorte à imiter ces beaux enseignements.
Nous nous levons ensuite tous ensemble et nous prions.
Puis, comme nous l’avons dit plus haut, lorsque la prière est terminée, on apporte du pain, du vin et de l’eau. Celui qui préside fait alors des prières et des actions de grâces autant qu’il le peut. Et tout le peuple répond pas l’acclamation : Amen » (Apologie 1, 67)
Communion
« Nous appelons cet aliment « Eucharistie ». Personne ne peut y prendre part s’il n’a reçu le bain qui remet les péchés et qui régénère, et s’il ne vit selon la doctrine du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme du pain et du vin ordinaires. Mais, de même que par la Parole de Dieu, Jésus-Christ s’est incarné, qu’il a pris chair et sang pour notre salut, de même aussi cette nourriture, qui est devenue Eucharistie grâce à la prière formée des paroles du Christ, et qui nourrit et qui s’assimile à notre chair et à notre sang, est la chair et le sang de Jésus incarné : telle est la doctrine que nous avons reçue.
Les Apôtres, en effet, dans leurs Mémoires qu’on appelle « Évangiles », nous rapportent que Jésus leur fit cette recommandation : après avoir pris du pain, il rendit grâce et dit : « Faites ceci en mémoire de moi, ceci est mon corps »; de même, après avoir pris la coupe, il rendit grâce et dit : « Ceci est mon sang. » C’est à eux seuls qu’il les leur donna. (Apologie 1, 65-66)
Ces citations de l’Apologie de Justin sont extraites du livre de Lucien Deiss, la cène du Seigneur, eucharistie des chrétiens, Éditions du Centurion, France, 1975, pages 32 et 33.
Question pour pousser la réflexion…
En quoi le témoignage de Justin nous interpelle dans la pratique actuelle de la messe?
© Pierre Blanchette, 2021
LA PRÉSENCE
Une qualité de présence
Ce qui rend toutes relations interpersonnelles épanouissantes, c’est la qualité de présence. Avec elle, même les jours sombres crient la joie. On ne se lasse pas de quelqu’un qui nous offre une présence de qualité. Sa confiance, son écoute et son soutien nous dévoilent le miracle de la personne humaine, dans tout ce qu’elle est capable de beau, de bon et de bien.
Les trois niveaux de présence
Dans le dictionnaire, le mot « présent » a trois sens :
Vivre l’instant présent avec la personne aimée, être à ses côtés et se considérer pour elle comme un cadeau (i.e. un don de toute sa personne), n’est-il pas l’amour à son meilleur?
La présence en tant que relation
Être présent ne se limite pas à la proximité. C’est beaucoup plus qu’être simplement « à côté de ». C’est établir un rapport de connaissance et d’amour. Un parent obligé de s’exiler pour assurer la subsistance de sa famille demeure pleinement présent par le cœur à ses enfants dont il est absent.
On a tous fait l’expérience de rencontres où nous faisions « acte de présence » sans pour autant que l’attention bienveillante aux autres soit au rendez-vous. Être présent corporellement prend tout son sens dans la mesure où « l’amour en soi » fait appel à « l’amour en l’autre », et vice-versa. C’est le critère fondamental d’une qualité de présence.
La présence réelle
Pas surprenant que Dieu ait fait de la présence réelle, un élément important du sacrement de l’Eucharistie.
« Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, elle fait mémoire de la Pâque du Christ, et celle-ci devient présente : le sacrifice que le Christ a offert une fois pour toutes sur la Croix demeure toujours actuel. » (Catéchisme de l’Église catholique, CECC, 1992, no 1364)
Pierre Blanchette, le 3 avril 2021
© Pierre Blanchette, 2021
LA PUISSANCE CRÉATRICE DE L’AMOUR
Pour bien comprendre la portée de l’Eucharistie, il importe AU POINT DE DÉPART de saisir que Dieu a créé l’univers pour une seule raison, l’union d’amour avec nous.
« Dieu, infiniment Parfait et Bienheureux en Lui-même, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le faire participer à sa vie bienheureuse. C’est pourquoi, de tout temps et en tout lieu, Il se fait proche de l’homme. Il l’appelle, l’aide à Le chercher, à Le connaître et à L’aimer de toutes ses forces. » (Catéchisme de l’Église catholique, CECC, 1992, no 1)
Le libre consentement
Croire et expérimenter la puissance sans bornes de l’Amour ne se fait pas sans notre libre consentement. C’est comme croire à l’impact bienfaisant du sourire. On en a jamais autant conscience que lorsqu’on le donne à un moment où l’autre en a le plus besoin (ou lorsqu’on le reçoit).
Participer à l’Amour
Dieu, dans sa substance même, est amour pur et désintéressé. Il n’a qu’un motif en créant l’univers, c’est que nous puissions exister et participer à son Amour.
Question pour pousser la réflexion…
En quoi la compréhension de ce fondement nous aide à saisir l’expérience de l’Eucharistie?
Pierre Blanchette, le 1er avril 2021
© Pierre Blanchette, 2021
L’AMOUR DEVANCE LE RITE
Les sacrements ne se comprennent que sous l’angle de l’amour.
« Tu apportes ton offrande sur l’autel, et là tu te souviens que ton frère t’en veut? Laisse ton offrande et retourne discuter avec ton frère. Ensuite seulement, reviens la déposer. » (Mathieu 5, 23-24)
La compassion
Dans la compassion pour la détresse humaine, les sacrements trouvent leur sens.
« Recevez l’héritage du règne qui vous est réservé depuis la fondation du monde.
La communion au Christ passe par là.
« Croyez en ma parole, chaque fois que vous avez agi de la sorte avec le plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mathieu 25, 40)
« Je suis la porte. Si quelqu’un passe par moi il est sauvé. » (Jean 10, 9)
(Les citations bibliques sont extraites de la bible, Médiaspaul, Montréal, 2001, 3186 pages.)
Pierre Blanchette, le 29 mars 2021
© Pierre Blanchette, 2021
LE RITE, UN GESTE D’ESPÉRANCE
Le rite soutient l’amour
L’amour devance le rite, ai-je exprimé dans un autre texte, mais le rite soutient l’amour.
À titre d’exemple, le rituel du repas entre amoureux à la Saint-Valentin suppose, bien entendu, que l’amour soit déjà présent entre eux. Mais ce rituel vient également le soutenir et, plus encore, lui donner espoir d’un approfondissement dans l’avenir.
La confession de foi
La confession de foi, ce « croire sans avoir vu », n’est-ce pas l’acceptation de l’amour inconditionnel qui fonde tout projet?
L’enfant n’a-t-il pas besoin de sentir profondément que ses parents croient en lui pour avoir l’audace d’aller au bout de ses rêves? Il s’agit là d’une donnée que nous révèle la neuroscience. (Cf mon texte « De la communication à la transmission ».)
L’amour est inséparable de la croix
N’est-ce pas sur la base de l’amour inconditionnel que Jésus est allé jusqu’au bout de son projet de faire connaître le Royaume de son Père, et ce, jusqu’au péril de sa propre vie?
N’est pas sur la base de l’amour inconditionnel qu’un père ou une mère se donne à leur enfant, et ce, jusqu’aux plus grands sacrifices?
La joie véritable
Ce que ces deux exemples ont en commun, c’est la force que possède l’amour pour nous transporter au-delà de nous-mêmes, source de joie véritable que procure le dépassement. Cette joie n’est-elle pas une forme de « résurrection », même ici-bas? Par analogie, on a qu’à regarder le visage transfiguré de l’athlète avec sa médaille après des années d’efforts et de renoncements. Le dépassement le transporte dans des zones insoupçonnées de bonheur.
Le rite fortifie l’amour
Dieu connait nos blessures. Parfois il ne demande même pas notre amour. Il ne veut que notre confiance. L’amour viendra plus tard lorsque notre âme sera fortifiée en Lui.
Question pour pousser la réflexion…
Quels liens pouvons-nous faire avec l’Eucharistie?
Pierre Blanchette, le 30 mars 2021
© Pierre Blanchette, 2021
Dans le texte des Actes 8, 4-6 du Nouveau Testament, la Bonne Nouvelle se répand en Samarie par des paroles et des signes. Il y a des paroles qui touchent les oreilles, mais aussi des miracles où on voit quelque chose. C’est comme le ministère de Jésus.
En parallèle avec aujourd’hui, il n’y a pas d’évangélisation si c’est seulement la bouche qui s’agite. Les signes corroborent la parole. Si l’écart est trop grand, la parole ne sera plus crédible. La Révélation se fait par des actions et par la parole (Cf encyclique Dei Verbum, no 2).
Au cœur même de la simplicité de nos activités quotidiennes, nous devons avoir une activité missionnaire prédicante, mais aussi faite de signes.
Quels sont ces signes? Signes du Royaume nouveau (solidarité, inclusion, manières de vivre).
Edith Stein affirme que « Vivre selon l’Eucharistie signifie s’arracher réellement à son étroite vie particulière pour grandir vers l’immensité de la vie du Christ. Qui a visité le Seigneur dans sa demeure, ne voudra plus se préoccuper uniquement de soi et de ses intérêts… » (cf Edith Stein DANS LA PUISSANCE DE LA CROIX, Textes réunis et présentés par Waltraud Herbstrith, Nouvelle Cité, 1982, page 87).
Elle poursuit, « Tout comme notre corps physique a besoin du pain quotidien, la vie divine en nous demande à être constamment nourrie. « Voici le pain vivant venue du Ciel ». Celui qui en fait son vrai pain quotidien voit s’accomplir en lui chaque jour le mystère de Noël, l’incarnation du Verbe. Et ceci est bien le chemin le plus sûr pour conserver durablement « l’être-un » avec Dieu, en s’incorporant, chaque jour plus fort et plus profondément, au corps mystique du Christ. Je sais bien que cela paraîtra à plus d’un comme une exigence par trop radicale. Quand ils s’y essaient, cela signifie pratiquement pour le plus grand nombre de gens, un changement de toute la vie, tant extérieure qu’intérieure. Mais c’est justement ce qui doit être. Dans notre vie il nous faut faire une place au Sauveur de l’Eucharistie pour qu’il puisse transformer notre vie en sa vie. Est-ce trop demander?
La prière de l’Église est la prière du Christ qui continue à vivre. Elle a son modèle dans la prière que le Christ lui-même a pratiqué pendant sa vie terrestre. » (Ibid, pages 94 et 95)
Accueillir le don de Dieu par l’Eucharistie, c’est reconnaître et exercer ses dons et ses talents pour le service des autres et, par conséquent, son propre épanouissement.
(Qui est Édith Stein? Édith Stein, philosophe allemande assistante d’Edmond Husserl, le père de la phénoménologie, se convertit au catholicisme en 1922 à la lecture de la Vie de Thérèse d’Avila. Elle entra au Carmel en 1923. Juive, elle voulut rester solidaire de ses frères et sœurs et mourut martyre au camp de Dachau en 1942. Elle a été béatifiée le 1er mai 1987 par le pape Jean-Paul II.)
Pierre Blanchette
le 17 novembre 2020
© Pierre Blanchette, 2020
On expérimente tous l’Esprit Saint dans le meilleur de nous-mêmes. Il est là, toujours présent, sous un mode d’action discret mais efficace. Il ne demande que, de façon consciente et volontaire, nous laissions libre cours à ses interventions d’Amour et de Vie.
« Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps. » Prière après la consécration de la liturgie eucharistique, pour qu’elle passe en nous.
Jésus le Christ, qui s’est fait solidaire de notre vie humaine, nous révèle Dieu en paroles et en actes. Il nous envoie l’Esprit pour que s’imprime en nous son Amour.
L’Esprit agit sur le double terrain de l’expérience et de l’intelligence de la foi, « une incitation à l’audace d’oser penser, agir, vivre autrement, c’est-à-dire libéré de toute peur, de tout préjugé, de tout déterminisme » (cf « Délivrance » dans La Bible, 2000 ans de lecture. Paris, Desclée de Brouwer, p. 425, citation rapportée par Jean Grou dans le Prions en Église, Novalis, janvier 2021, page 2).
L’Esprit Saint, âme et ressort du monde, est la clé d’un présent et d’un avenir de bonheur. Il se révèle en nous par « inspirations » et par « motions », nous faisant ainsi entrer dans une Vie Bonne.
« L’inspiration de l’Esprit est une lumière et un stimulant (bien désirable pour les gens déprimés). Elle est surnaturelle. Cela ne veut pas dire qu’elle soit toujours, ou le plus souvent, extraordinaire. Le surnaturel apparait rarement comme tel, car il ne brusque pas la nature, mais en accomplit et prolonge les dispositions. Il nous fait assumer avec joie ce qui nous faisait peur, surmonter les obstacles, mais dans l’humilité, non dans la vanité… » (cf René Laurentin, L’Esprit Saint, cet inconnu, Fayard, 1997, page 563.)
« L’Esprit Saint agit aussi par motions qui peuvent survenir, sans aucune sorte d’inspiration, et sans lumière particulière. Nous constatons seulement que nous avons bien fait ce que nous ne savions trop comment faire, et c’est justement cela qu’il fallait faire. » (cf René Laurentin, ibid, page 563.)
Le mot « motion » se définit, de façon générale, comme « action de mouvoir, de mettre en mouvement ». Une motion surnaturelle représente tous les secours que Dieu donne à l’être humain.
« … la reconnaissance attire ses dons, et ces dons nouveaux accroissent notre reconnaissance; et ainsi de suite, indéfiniment, jusqu’au jour du dévoilement final en apothéose. C’est un des secrets de l’Esprit Saint. » (cf René Laurentin, ibid, page 563.)
Pierre Blanchette
le 6 janvier 2021
© Pierre Blanchette, 2021
Merci sincères à nos donateurs :