Spiritualité Eucharistique de Mère Julienne
QUI EST MÈRE JULIENNE DU ROSAIRE ?
Référence : Conférence religieuse canadienne et Dominicaines Missionnaires Adoratrices, 2016
Mère Julienne du Rosaire, O.P. (1911-1995)
Julienne Dallaire naît à Québec le 23 mai 1911. Dès sa première communion, la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie devient l’attrait dominant de sa vie. Elle ne cessera, par la suite, d’approfondir ce mystère. À douze ans, le récit de la Samaritaine (Jn 4, 4-26) l’ouvre à de nouvelles dimensions. Elle comprend que le « don de Dieu » est Jésus présent dans l’Eucharistie et qu’il est l’Adorateur parfait qui veut nous entraîner dans son adoration. Ces compréhensions réveillent en son coeur le désir d’être avec lui, non seulement adoratrice, mais missionnaire pour l’aider à trouver des adorateurs pour son Père. Durant treize ans, elle cherchera à devenir religieuse, mais toutes ses tentatives se solderont en échec.
Julienne se demande alors si sa vie n’a été qu’un « tissu d’illusions ». Elle renonce à son désir de devenir religieuse et accepte ce qui lui paraît être la volonté de Dieu : se sanctifier dans le monde. Mais Dieu veille. Grâce au chanoine Cyrille Labrecque qui devient en 1941 son directeur spirituel, Julienne est confirmée sur l’authenticité de sa vie d’union à Dieu. Le Jeudi saint 1942, elle est saisie par l’acte d’amour immense du Christ qui le fait créer l’Eucharistie et se donner à nous jusqu’au bout. « À ce moment-là, j’ai compris que si on honore d’une façon particulière cet acte d’amour, Notre-Seigneur nous introduira dans son coeur pour nous faire vivre de sa vie. »
Aidée du chanoine Labrecque, Julienne discerne un appel à fonder une nouvelle congrégation religieuse : les Dominicaines Missionnaires Adoratrices. La mission des membres sera de vivre de l’acte d’amour de Jésus toujours actuel dans l’Eucharistie et de faire connaitre cet amour pour aider les autres à en vivre. La nouvelle fondation se réalise le 30 avril 1945 à Québec. Julienne, devenue Mère Julienne du Rosaire, poursuit sa mission d’être un témoin privilégié du Coeur Eucharistique de Jésus jusqu’à sa mort, le 6 janvier 1995. Le procès diocésain en vue de sa béatification a été clôturé en 2010 et maintenant, les démarches en vue de la béatification de la Servante de Dieu se poursuivent à Rome.
LIEN : http://op-dma.com/
CITATION : « Ma vie, je l’ai voulue une messe, je l’ai nourrie d’une messe quotidienne. J’entrevois ma mort comme une dernière messe qui s’éternisera en ‘‘Amour et gloire à la Trinité par le Coeur Eucharistique de Jésus!’’ C’est ma vie! »
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1 Cf. Mère Julienne du Rosaire, Entretien aux Amis du Sacré Coeur, 20 juin 1974, Archives DMA.
1 Mère Julienne du Rosaire, Esprit originel, 8e conférence, 13 juin 1973, Archives DMA.
1 Cf. Mère Julienne du Rosaire, Esprit originel, 9e conférence, 20 juin 1973, Archives DMA.
2016 © Conférence religieuse canadienne et Dominicaines Missionnaires Adoratrices
« SI JE N’AI PAS L’AMOUR, JE NE SUIS RIEN. » (1 Cor 13,3)
Comment l’amour peut-il se frayer un chemin dans notre vie?
Julienne Dallaire (1911-1995), une religieuse de Québec mieux connu sous le nom de mère Julienne du Rosaire, a porté cette question toute sa vie. Sa spiritualité se répand actuellement dans le monde entier. Pour la découvrir, je me réfère au travail colossal de S. Nathalie Roberge dans sa thèse de doctorat en théologie, Mère Julienne du Rosaire et l’adoration, Exploration d’un chemin de vie spirituelle, Université Laval, Québec, Canada, 2018, 465 pages.
La rencontre du Christ avec une jeune femme de Samarie
L’évangile de la Samaritaine a enseigné à Julienne la spiritualité eucharistique. Une phrase retient particulièrement son attention : « Si tu connaissais le don de Dieu et celui qui te parle. » (Jean 4,10).
Comment cette phrase fut-elle éclairante dans sa compréhension de l’amour?
« Si tu connaissais le don de Dieu… »
Elle cherchait à saisir ce que Jésus voulait faire comprendre à la Samaritaine. Elle trouva une réponse dans sa prière. « … l’Eucharistie qui faisait tout mon bonheur, c’était ça le don de Dieu » (Esprit Originel, conférence 8, 13 juin 1973, p. 38). Par conséquent, elle associe le « don de Dieu » avec « l’amour ». (Esprit Originel, conférence 4, 22 novembre 1972, p. 18). (Thèse, p. 98)
En s’appuyant sur des auteurs connus, S. Nathalie, dans sa thèse, fait ressortir d’autres sens connexes au don de Dieu :
- le don de l’Esprit;
- le Verbe fait chair;
- le Dieu qui donne. (Thèse, p. 98)
« … et celui qui te parle. »
Pour Julienne, il existe un rapprochement entre le « don » et « celui qui te parle ».
« Julienne comprend que le don de Dieu, c’est « Jésus » présent dans l’Eucharistie. » (Thèse, p.98)
« Selon elle, le sacrement de l’autel prolonge la présence du Christ Jésus sur terre, mais en tant qu’il est désormais glorieux. Julienne écrit : « il est la majesté même, Dieu au milieu de nous, don de Dieu, le fils de Dieu incarné qui, sous le signe du sacrement, continue l’Incarnation, continue de vivre au milieu de nous (Histoire et spiritualité des Dominicaines Adoratrices, 20 juin 1974, p. 19 ») (Thèse, p.99)
En résumé…
- Se rapprocher de l’amour pour en vivre, c’est se rapprocher d’une personne, le Christ.
- Il est le don de l’Esprit, le Verbe fait chair, le Dieu qui donne
- Il nous incorpore à sa Volonté aimante par notre ouverture.
- On peut s’unir à Lui de différentes manières, dont le mode sacramentel.
- Pour Julienne, « L’Eucharistie, « don de Dieu » est une synthèse de toute la vie du Christ, de tous ses enseignements, de tous ses bienfaits (Histoire et spiritualité des Dominicaines Adoratrices, 20 juin 1974, p. 16). » (Thèse, p.99)
© Pierre Blanchette, 2022
MON PÈRE CHERCHE DES ADORATEURS
(Référence : thèse de doctorat en théologie de Nathalie Roberge, Mère Julienne du Rosaire et l’adoration, Exploration d’un chemin de vie spirituelle, Université Laval, Québec, Canada, 2018, 465 pages.)
« Mais l’heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père. »(Jean 4, 23)
La finale de cette parole de Jésus à la Samaritaine, « les adorateurs que cherche le Père », attire l’attention de Julienne. Dans plusieurs de ses conférences, elle la reprend en d’autres mots : « Mon Père cherche des adorateurs ».
Cette phrase « met en scène trois personnages : le Père, le Fils et les adorateurs. » (Thèse p. 100)
Jésus apprend à la Samaritaine que son Père « cherche ». C’est donc le Père qui se met en action de chercher des adorateurs.
Devenir « adorateurs » dans un dynamisme de communion avec le Christ
« Julienne va résolument tenter de savoir qui sont les adorateurs que cherche le Père. Des éléments de réponse s’imposent alors à elle. Julienne écrit : « j’en suis venu à voir que l’adorateur, c’était Notre-Seigneur et que les adorateurs, c’étaient ceux qui adoraient avec lui, ceux qui pénétraient son cœur, ses sentiments face à son Père (Esprit Originel 8, 13 juin 1973, p.39). » Selon ces mots de Julienne, le Christ Jésus tient une place particulière en regard de l’adoration. Il « est » l’adorateur. L’utilisation du verbe « être » permet d’entrevoir l’adoration comme un trait constitutif de sa personne. De plus, ce n’est que dans un dynamisme de communion avec lui que d’autres peuvent devenir adorateurs. » (Thèse p. 101)
L’adoration est dédiée au Père
« (…) les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». (Finale de Jean, 4 23) « Ce Jésus qui est là au milieu de nous, (…) il est là pour adorer son Père (Esprit Originel 10, 5 juillet 1973, p. 47.) » (Thèse p. 102)
Correspondance entre l’être et la mission du Christ
« Julienne note : « le Christ est adorateur et (…) il a pour mission de trouver pour son Père des adorateurs (Esprit Originel 9, 20 juin 1973, p. 43.) » Cette constatation laisse émerger une correspondance entre l’être et la mission du Christ Jésus, non seulement dans le temps de l’Incarnation, mais également dans son prolongement selon un mode sacramentel. » (Thèse p. 102)
En résumé…
- Le Père cherche des adorateurs.
- L’adoration lui est donc dédiée;
- Le Christ est l’adorateur du Père;
- Il a pour mission de trouver des adorateurs pour son Père;
- Nous sommes les adorateurs qu’il cherche pour son Père;
- On devient « adorateurs » dans un dynamisme de communion avec le Christ.
© Pierre Blanchette, 2022
UN DON QUI SE CONTINUE SOUS UN MODE SACRAMENTEL
(Référence : thèse de doctorat en théologie de Nathalie Roberge, Mère Julienne du Rosaire et l’adoration, Exploration d’un chemin de vie spirituelle, Université Laval, Québec, Canada, 2018, 465 pages.)
Le texte de la dernière Cène marque profondément le parcours spirituel de Julienne. Elle appelle ce texte « l’évangile du Jeudi saint ».
« Le Jeudi saint me fut montré comme étant le Sommet de la vie du Seigneur, de sa vie d’amour, de son don d’amour. (Esprit Originel 9, 20 juin 1973, p.44). » (Thèse p. 105)
La dernière cène ne se comprend que dans la perspective de l’amour
« En effet, si le Jeudi saint est présenté comme le sommet de la vie du Christ Jésus, c’est dans la perspective de l’amour : il est le sommet « de sa vie d’amour, de son don d’amour ». (p. 105)
La dernière cène : un acte toujours actuel, un don incessant
L’évènement de la dernière Cène est un acte historique qui traverse le temps et l’espace. « S’il y a « force » et « puissance », c’est dans cet « acte d’amour » qui pousse le Christ Jésus à « se créer une vie nouvelle, une vie sacramentelle » pour y demeurer dans le monde et y poursuivre le don incessant de lui-même. » (Thèse p. 106)
« L’acte d’amour qui a institué l’Eucharistie le Jeudi saint n’a pas été un acte passager : il se perpétue à travers les siècles, il opère à chaque messe, il agit à la communion de chaque personne : il est donc très actuel. Cet acte d’amour soutient l’Eucharistie dans l’existence; il en est, pourrait-on dire, l’âme, la vie (Histoire et spiritualité des Dominicaines Missionnaires Adoratrices, 20 juin 1974, p. 16) (Thèse p. 106)
Un acte qui nous entraine
« Elle (Julienne) perçoit alors davantage le caractère dynamique de l’Eucharistie, sacrement par lequel le Christ Jésus prolonge sa présence en ce monde et perpétue le don de sa vie, en vue d’entraîner dans son cœur « tous ceux, toutes celles » qui honorent cet acte d’amour. » (Thèse p. 107)
En résumé…
« En mettant ainsi en lumière l’acte d’amour de la dernière Cène, Julienne établit un lien fondamental entre le Jeudi saint et le sacrement de l’Eucharistie. Elle lui donne même une portée majeure. Elle écrit : « L’Évangile du Jeudi saint forme le fond de scène de notre vie et la messe, l’avant-scène (esprit Originel, 13 juin 1973, p. 37). (Thèse p. 106)
Pour aller plus loin…
« (…) est-il possible de penser que, dans l’esprit de Julienne, la vie de tout baptisé doit tendre à être structurée par l’Eucharistie, voire, de manière plus précise, par l’acte d’amour du Christ donnant l’Eucharistie? » (Thèse p. 106)
© Pierre Blanchette, 2022
SIMILITUDE AVEC LA PENSÉE DE TEILHARD DE CHARDIN
Une spiritualité Eucharistique à la dimension du Monde
Citation de Mère Julienne du Rosaire
« La terre est comme un autel immense;
il n’y a qu’un prêtre : le Christ,
et le Christ fait entendre les battements de son Cœur
produisant toujours le même acte d’amour
qui le pousse à s’immoler pour la gloire de la Sainte Trinité
et à se donner aux hommes par la communion,
afin de les unir à ses adorations et à ses louanges. »
Citation de Pierre Teilhard de Chardin
« Pour interpréter dignement la place fondamentale que l’Eucharistie tient en fait dans l’économie du Monde… je pense qu’il est nécessaire de donner une grande place, dans la pensée et la prière chrétiennes, aux extensions réelles et physiques de la Présence Eucharistique (…)
L’Hostie est pareille à un foyer ardent d’où rayonne et se répand la flamme. »
(Œuvres de Pierre Teilhard de Chardin, t. 9 Science et Christ, Seuil, Paris, 1965, p. 93.)
Citation de Mgr Bertrand Blanchet sur Teilhard
« La vision de l’Eucharistie que nous a laissée Teilhard possède autant d’ampleur que possible (…)
En effet, le Christ que Teilhard rencontre dans l’Eucharistie, ce n’est pas seulement le Christ sacramentel, présent dans le pain et le vin; ce n’est pas seulement le Christ mystique en qui nous formons un seul corps. C’est aussi le Christ cosmique.
Ce Christ cosmique n’est pas une invention de Teilhard. C’est le Christ de saint Paul.
Rappelons-nous son épître aux Colossiens :
« Il est l’image du Dieu invisible, le premier né, avant toute créature : en lui tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, puissances, principautés, souverainetés, dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. »
(Conférence de Mgr Bertrand Blanchet, Teilhard et l’Eucharistie, Centre Teilhard de Chardin Montréal, le 8 avril 2008, Institut de pastorale, Rimouski, le 24 avril 2008.)
© Pierre Blanchette, 2022