Capsules de formation
Homélie et communication
AVIS AU LECTEUR
À noter : La forme masculine est utilisée dans le seul but d’alléger le texte.
Quand le quoi et le comment ne font qu’un.
La prise de parole en public, pour être percutante, ne se limite pas au contenu. Il ne suffit pas de savoir « quoi » dire. Il faut savoir « comment » le dire.
La parole peut être un risque ou une opportunité. Risque de blesser ou d’éloigner. Opportunité d’ouvrir à la Vie. Le fil est mince entre les deux. La différence passe par le contenu, mais aussi par l’habileté à utiliser les lois de la communication.
À qui s’adressent ces capsules de formation?
À toute personne désireuse de prendre la parole en public au nom de sa foi (homélie, commentaire de la Parole, animation de célébration et de réunion).
Qui suis-je?
Mes engagements professionnels, personnels et communautaires des 40 dernières années m’ont appris que la prise de parole est un outil indispensable pour changer le monde. Mes deux champs de formation, théologie et pédagogie, m’ont préparé à transmettre la passion de la transmission.
Indications quant à l’utilisation de la documentation de cette rubrique
La publication de ces capsules est évolutive. Comme d’ailleurs tous les autres onglets de ce site. Par conséquent, je vous invite à venir y jeter régulièrement un coup d’œil.
Il vous est possible d’utiliser ces outils de façon gratuite que ce soit sur une base individuelle ou en groupe. La seule exigence est d’en indiquer la source.
Hommage à la prise de parole en public
Les moments forts d’une prise de parole en public dans le cadre de l’évangélisation, c’est quand il y a éclosion dans l’auditoire de sentiments et de prises de conscience. L’impact « affectif » a son importance. « Cœur et raison » doivent trouver un juste équilibre.
« Nous rencontrons Dieu dans le cœur à cœur d’une expérience personnelle… Nous découvrons Dieu dans les signes qu’il nous donne de son action dans l’Histoire. » (1) L’Histoire avec un grand « H » ne fait pas référence qu’au passé, mais aussi au présent avec toutes les perspectives d’avenir qui s’en dégagent. La personne qui prend publiquement la parole agit à la manière d’un chef d’orchestre. Elle crée une symphonie. La prise de parole dépasse les mots prononcés. Elle est harmonie par la manière de les exprimer.
« Et cette symphonie perpétuelle, merveilleuse, c’est l’Esprit. » (2)
Citations :
- Abbé Pierre Descouvrement, Guide des difficultés de la foi catholique, Les Éditions du Cerf, Paris, 1995, page 86.
- Ibid, page 266.
Pierre Blanchette, le 4 novembre 2021
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La préparation de l’homélie en 6 étapes
À noter : Cette démarche s’applique autant aux ministres ordonnés qu’aux laïcs responsables du commentaire de la Parole dans le cadre d’une célébration liturgique.
Préambule :
« Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et tes femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer. » (1)
En évitant un langage moralisateur, l’homélie contribue à faire naître chez l’auditeur le désir et la compréhension de la Parole de Dieu qui pousse à l’action.
Quel est le secret d’une bonne prise de parole en public?
- D’abord, la préparation
- Ensuite, la préparation
- Et finalement, la préparation
1ère étape :
« Pour entendre le son et écouter les mots » (2), lire à haute voix les textes bibliques (minimum 3 fois) plusieurs jours avant la célébration. Se laisser imprégner par eux. Pour proclamer la Bonne Nouvelle, il faut d’abord se laisser rejoindre au cœur par elle.
2ème étape :
Dégager le message central du texte, celui que l’auteur a voulu livrer. Si le texte ne vous est pas familier, il convient de consulter certains ouvrages spécialisés.
« La première lecture du dimanche, tirée de l’Ancien Testament, est choisie en fonction de l’Évangile. Le Psaume responsorial, qui est plus un chant qu’une lecture, est un écho priant de la communauté à la première lecture. La deuxième lecture présente des lettres du Nouveau Testament. (3)
3ème étape :
Souligner de courts extraits qui traduisent bien le message central du texte.
4ème étape :
Sélectionner un extrait (parmi ceux soulignés) qui captent davantage votre attention. Dégager de cet extrait l’objectif (ce que vous visez) et la thématique de votre homélie.
5ème étape :
Déterminer ce que cet extrait vous inspire en termes d’action. On entend par « action », différentes manières de penser, d’agir et de vivre autrement.
L’action ressortira avec force dans le développement de votre homélie. Et les bienfaits qui en résultent seront clairement nommés dans votre conclusion.
6ème étape :
En guise d’amorce de votre homélie, relier à cet extrait un évènement, une histoire, une anecdote, un proverbe ou un conte.
L’amorce constitue l’élément déclencheur de votre homélie. Il ne faut pas la manquer.
En résumé…
- Introduction (élément déclencheur, ce qui est visé)
- Développement (chemin à parcourir en termes d’actions)
- Conclusion (bienfaits qu’on en retire)
Au moment opportun, il importe de nommer clairement l’extrait biblique retenu. L’homélie donne, pour aujourd’hui, des mains et du cœur au message biblique.
Citations :
- Saint-Exupéry
- Pape François
- Jacques Gauthier, L’Eucharistie, source de la prière chrétienne, Novalis, 2008, page 48.
Pierre Blanchette, 4 novembre 2021, site internet dondedieu.org
RÈGLES DE COMMUNICATION DANS LE DÉPLOIEMENT DE L’HOMÉLIE
À noter : Ces règles font suite au texte « La préparation de l’homélie en 6 étapes ». Elles s’appliquent autant aux ministres ordonnés qui prononcent l’homélie qu’aux laïcs faisant le commentaire de la Parole dans le cadre d’une célébration liturgique.
Pour qu’un message ait de l’impact, l’art de capter l’attention est aussi important que le contenu.
- Savoir se détendre.
Apprivoiser des techniques de contrôle du stress.
- Établir le contact.
Par le regard, dès le point de départ, créer un lien de confiance avec l’auditoire. Par la suite, pour garder le contact, il faut savoir qu’en communication, il y a bien sûr le verbal (les mots), mais aussi le para-verbal (geste, position du corps, respiration) et le non-verbal (rythme, timbre et mélodie de la voix).
- Attention au par cœur.
Rien de pire pour provoquer des blancs de mémoire et nuire à l’aspect naturel et familier de la prise de parole que le par coeur. Quelques fiches avec des mots clés peuvent suffire comme aide-mémoire.
Si l’homélie est construite sur la base d’étapes de développement qui se succèdent de façon logique, les mots pour le dire viendront naturellement.
Si toutefois, vous devez citer un texte, il existe des techniques pour combiner la lecture et le contact visuel avec l’auditoire.
- Établir un bon « timing ».
Ne dépassez pas 5 à 7 minutes de prise de parole.
Le rythme effréné de la vie courante rend de plus en plus difficile la capacité d’attention. Vaut mieux « scorer » au bout de 5 minutes que d’aller dans plusieurs sens pendant 15 minutes. « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. » Sénèque
Ne pas perdre de vue que l’homélie se situe dans le cadre d’une célébration liturgique. Elle n’est pas une conférence et surtout pas un cours.
Le genre littéraire d’une prise de parole brève est d’inciter à l’action.
- Communiquer pour se faire comprendre et comprendre.
- Être compris de l’auditoire.
- Combinez « articulation » et « style naturel ».
- Faites des phrases simples, claires et courtes.
- Soyez concrets (exemples, analogies, images pour illustrer les affirmations).
- Donnez du poids à vos messages clés, mettez-les en valeur.
- Montrez la progression par des transitions judicieuses entre les étapes du développement.
- Utilisez les silences pour mettre de l’emphase sur certains points.
- Comprendre l’auditoire.
- Être connecté aux préoccupations de l’auditoire.
- Observez les réactions non verbales de l’auditoire : signes d’incompréhension, de fatigue, d’intérêt.
- Utiliser judicieusement l’évènement, l’anecdote, l’image ou le conte.
Ce choix doit se rapprocher des préoccupations de votre auditoire et permettre un lien judicieux avec l’extrait biblique que vous avez ciblé comme trame de fond.
Ne pas oublier qu’une seule citation biblique présentée de façon appropriée suffit comme Parole retenue pour dégager le message central. L’homélie n’est pas la reprise en vos mots des textes bibliques de la liturgie.
- Miser sur l’introduction et la conclusion
L’homélie est un incitatif à l’action sous la mouvance de l’Esprit Saint. Cet incitatif doit s’enclencher dès l’introduction et ressortir de façon évidente dans la conclusion. Entre les deux, il y a le développement, c’est-à-dire le chemin à parcourir pour y parvenir.
- Rendre « contagieuse » votre conviction
L’homélie est une occasion exceptionnelle de donner du souffle à l’élan missionnaire des auditeurs. Votre conviction doit être ressentie. « La chose la plus importante en communication, c’est d’entendre ce qui n’a pas été dit. » Peter Drucker
Pierre Blanchette, 8 novembre 2021
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ITINÉRAIRE DE PRÉPARATION DE L’HOMÉLIE PROPOSÉ PAR LE PAPE FRANÇOIS
Source :
Le texte suivant est constitué de citations extraites de l’exhortation apostolique EVANGELII GAUDIUM du Pape François, publiée le 24 novembre 2013.
Afin de circonscrire l’itinéraire de préparation de l’homélie si judicieusement exprimé par François, j’ai procédé à un classement de citations auquel j’ai ajouté des sous-titres.
À la suite de chacune d’elle, le chiffre mis entre parenthèse correspond au numéro du paragraphe dans le texte initial.
Pierre Blanchette, 9 novembre 2021
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Préambule
« La préparation de la prédication est une tâche importante qu’il convient d’y consacrer un temps prolongé d’étude, de prière, de réflexion et de créativité pastorale. » (145)
« La confiance en l’Esprit Saint qui agit dans la prédication n’est pas purement passive, mais active et créative. Elle implique de s’offrir comme instrument (cf Rm 12,1), avec toutes ses capacités… » (145)
« Un prédicateur qui ne se prépare pas n’est pas « spirituel », il est malhonnête et irresponsable envers les dons qu’il a reçus. »(145)
Porter attention au texte biblique
« Le premier pas, après avoir invoqué l’Esprit Saint, consiste à prêter toute l’attention au texte biblique, qui doit être le fondement de la prédication. » (146)
« … il faut de la patience, abandonner toute inquiétude et y consacrer temps, intérêt et dévouement gratuit. »(146)
« Ce n’est pas la peine de se consacrer à lire un texte biblique si on veut obtenir des résultats rapides. C’est pourquoi, la préparation de la prédication demande de l’amour. » (146)
« On consacre un temps gratuit uniquement aux choses et aux personnes qu’on aime; et ici il s’agit d’aimer Dieu qui a voulu nous parler. (146)
Comprendre correctement ce qu’a voulu exprimer l’écrivain sacré
« … avant tout il convient de comprendre convenablement la signification des paroles que nous lisons. » (147)
« … le texte biblique que nous étudions a deux ou trois ans, son langage est très différent de celui que nous utilisons aujourd’hui. Bien qu’il nous semble comprendre les paroles qui sont traduites dans notre langue, cela ne signifie pas que nous comprenions correctement ce qu’a voulu exprimer l’écrivain sacré. » (147)
« Les différents moyens qu’offre l’analyse littéraire sont connus : prêter attention aux mots qui sont répétés ou mis en relief, reconnaître la structure et le dynamisme propre d’un texte, considérer la place qu’occupe les personnages, etc. » (147)
Découvrir le message principal
« Mais le but n’est pas de comprendre tous les petits détails d’un texte, le plus important est de découvrir quel est le message principal, celui qui structure le texte et lui donne son unité. » (147)
« Si le prédicateur ne fait pas cet effort, il est possible que même sa prédication n’ait ni unité ni ordre; son discours sera seulement une somme d’idées variées sans lien les unes avec les autres qui ne réussiront pas à mobiliser les auditeurs. » (147)
Reconnaître l’effet que l’auteur a voulu produire
« Le message central est celui que l’auteur a voulu transmettre en premier lieu, ce qui implique non seulement de reconnaître une idée, mais aussi l’effet que cet auteur a voulu produire.
- Si un texte a été écrit pour consoler, il ne devrait pas être utilisé pour corriger les erreurs;
- S’il a été écrit pour exhorter, il ne devrait pas être utilisé pour instruire;
- S’il a été écrit pour enseigner quelque chose sur Dieu, il ne devrait pas être utilisé pour expliquer différentes idées théologiques;
- S’il a été écrit pour motiver la louange ou la tâche missionnaire, ne l’utilisons pas pour informer des dernières nouvelles. (147)
Personnaliser la Parole
« C’est du trop-plein du cœur que le bouche parle. » (Mt 12,34) Les lectures du dimanche résonneront dans toute leur splendeur dans le cœur du peuple, si elles ont ainsi résonné en premier lieu dans le cœur de pasteur. » (149)
Se laisser toucher par la Parole dans sa propre existence
« Quiconque veut prêcher, doit d’abord être disposé à se laisser toucher par la Parole et à la faire devenir chair dans son existence concrète. » (150)
Une attitude d’humilité
« Il ne nous est pas demandé d’être immaculés, mais plutôt que nous soyons toujours en croissance… » (151)
Prier avec la Parole
« … s’il (le prédicateur) ne consacre pas du temps pour prier avec la Parole, alors, il sera un faux prophète, un escroc ou un charlatan sans consistance. » (151)
Se laisser prendre dans tout son être
« Le Seigneur veut nous utiliser comme des êtres vivants, libres et créatifs, qui se laisse pénétrer par sa Parole avant de la transmettre; son message doit passer vraiment à travers le prédicateur, non seulement à travers la raison, mais en prenant possession de tout son être. » (151)
La lecture spirituelle (lectio divina) en complément à l’étude du message central
« Elle (la lectio divina) consiste dans la lecture de la Parole de Dieu dans un moment de prière pour lui permettre de nous illuminer et de nous renouveler. » (152)
« Cette lecture orante de la Bible n’est pas séparée de l’étude que le prédicateur accomplit pour dégager le message central du texte; au contraire, il doit partir de là, pour chercher à découvrir ce que dit ce message lui-même à sa vie. » (152)
Comment faire?
« En présence de Dieu, dans une lecture calme du texte, il est bien de se demander par exemple :
- « Seigneur, qu’est-ce que ce texte me dit à moi?
- Qu’est-ce que tu veux changer dans ma vie avec ce message?
- Qu’est ce qui m’ennuie dans ce texte?
- Pourquoi cela ne m’intéresse-t-il pas? » ou
- « Qu’est-ce qui me plaît, qu’est-ce qui me stimule dans cette Parole?
- Qu’est-ce qui m’attire?
- Pourquoi est-ce que cela m’attire? » (153)
Une tentation à éviter
« Une autre tentation très commune est de commencer à penser à ce que le texte dit aux autres, pour éviter à l’appliquer à sa propre vie. » (153)
Être à l’écoute du peuple
« Le prédicateur doit aussi se mettre à l’écoute du peuple, pour découvrir ce que les fidèles ont besoin de s’entendre dire.
De cette façon, il découvre :
- Les aspirations,
- Les richesses et limites,
- Les façons de prier, d’aimer, de considérer la vie et le monde…
- Répondant aux questions qu’il pose. » (154)
Relier le message biblique à une situation humaine que les gens vivent
« Il s’agit de relier le message du texte biblique à une situation humaine, à quelque chose qu’ils vivent, à une expérience qui a besoin de la lumière de la Parole. » (154)
François énumère « certaines expériences humaines fréquentes, comme :
- La joie d’une rencontre nouvelle;
- Les déceptions;
- La peur de la solitude;
- La compassion pour la douleur d’autrui;
- L’insécurité devant l’avenir;
- La préoccupation pour une personne chère, etc. » (155)
… il faut cependant avoir une sensibilité plus grande pour reconnaître ce qui intéresse réellement leur vie. (155)
… Rappelons qu’on n’a jamais besoin de répondre à des questions que personne ne se pose. » (155)
On peut aussi partir d’un fait.
« Il est quand même possible de partir d’un fait pour que la Parole puisse résonner avec force dans son invitation à la conversion, à l’adoration, à des attitudes concrètes de fraternité et de service… » (155)
Utiliser judicieusement les évènements de l’actualité
« … il n’est pas non plus opportun d’offrir des chroniques de l’actualité pour susciter l’intérêt : pour cela il y a les programmes télévisés. » (155)
L’importance d’utiliser des instruments pédagogiques appropriés (le comment)
« Certains croient pouvoir être de bons prédicateurs parce qu’ils savent ce qu’ils doivent dire, mais ils négligent le comment, la manière concrète de développer une prédication. » (156)
François cite Jean-Paul II « … l’importance évidente du contenu de l’évangélisation ne doit pas cacher l’importance des voie et des moyens. » (156)
Se soucier du « comment », une attitude spirituelle
« La préoccupation pour les modalités de la prédication est elle aussi une attitude profondément spirituelle. » (156)
Pour appuyer cette affirmation, François cite la Bible : Résume ton discours. Dis beaucoup en peu de mots » (Si 32,8). (156)
Parler avec des images
« Une bonne homélie, comme me disait un vieux maître, doit contenir « une idée, un sentiment, une image. » (157)
Savoir allier simplicité et clarté du langage
François cite Paul VI qui affirmait que la prédication doit être « simple, claire, directe, adaptée. » (158)
« Le langage peut être très simple, mais la prédication peut être peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique, ou parce qu’elle traite en même temps différents thèmes. » (158)
Utiliser un langage positif
« Il (le langage positif) ne dit pas tant ce qu’il ne faut pas faire, mais il propose ce que nous pouvons faire mieux. Dans tous les cas, s’il indique quelque chose de négatif, il cherche toujours aussi à montrer une valeur positive qui attire, pour ne pas s’arrêter à la lamentation, à la critique ou au remords. » (159)
La préparation communautaire de la prédication
« Quelle bonne chose que prêtres, diacres et laïcs se réunissent périodiquement pour trouver ensemble les instruments qui rendent la prédication plus attrayante. » (159)
SAVOIR SE DÉTENDRE
Pour la majorité des individus, prendre la parole en public est source de tension. Certes, un minimum de fébrilité peut accroître la performance. Mais trop peut y nuire considérablement et générer un stress dévastateur.
Qu’est-ce que le stress?
Selon Sonia Lupien, Ph.D, Directrice du Centre d’étude sur le stress humain, les gens vont produire une réponse biologique au stress lorsqu’ils sont exposés à une situation comprenant une ou plusieurs des caractéristiques en lien avec les états suivants (1) :
1) La personne a l’impression qu’elle n’a pas le contrôle sur la situation à laquelle elle fait face (Contrôle);
2) La situation en question est imprévue ou imprévisible pour la personne (Imprévisibilité);
3) La situation est nouvelle pour la personne (Nouveauté);
4) La situation est menaçante pour l’égo de la personne (Égo menacé).
Ces caractéristiques forment l’acronyme CINÉ, une façon simple de se les rappeler!
Ces quatre caractéristiques font en sorte que peu importe qui nous sommes, nous allons produire inévitablement des hormones de stress. Une situation ne doit pas nécessairement comporter à la fois les quatre caractéristiques du CINÉ pour induire une réponse de stress. Cependant, plus une situation comporte de ces caractéristiques, plus la production d’hormones de stress est importante.
Prévenir la montée de stress lors d’une prise de parole
Évidemment, une préparation adéquate diminue l’imprévisibilité et assure du contrôle, surtout lorsque la situation est nouvelle pour la personne.
Cependant, même pour les habitués à la prise de parole en public, lorsque la préparation est insuffisante, la nervosité est palpable. Le propos va dans tous les sens. Le fil conducteur est difficile à cerner par l’auditoire. Le temps de prise de parole s’éternise.
Diminuer les hormones de stress (adrénaline et cortisol)
Toute situation de stress génère de l’adrénaline et du cortisol. Un peu de ces hormones peuvent stimuler. Elles sont d’ailleurs nécessaires en situation de danger. Se sauver d’un incendie ou fuir devant un tigre demande une énergie immédiate. Mais lorsque l’on perçoit un auditoire comme menaçant, la performance de la prise de parole peut en être affectée.
Plusieurs moyens existent pour diminuer ces hormones avant de prendre la parole. Il y a le rire. Il y a également une respiration adéquate.
Personnellement, lorsque je suis en route vers une église pour la prédication, je pratique la respiration profonde en y prononçant le nom de Jésus. Je fais une pierre deux coups. Ma détente devient prière.
Une respiration lente et profonde se fait par le ventre.
- Inspirer pendant 5 secondes
- Retenir l’air dans ses poumons pendant 10 secondes.
- Puis expirer par la bouche pendant 6 secondes. Le faire le plus profondément possible en allant jusqu’au bout du souffle. L’inspiration vient ensuite d’elle-même.
Référence :
- Conférence sur le stress donnée à Trois-Rivières (Québec) par le Centre d’étude sur le stress humain, automne 2018.
Pierre Blanchette, 15 novembre 2021
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ÉTABLIR LE CONTACT AVEC L’AUDITOIRE
L’’illusion d’optique
Dans une église, lorsque vous vous adressez à 25 personnes et moins, il est possible et souhaitable de les regarder toutes.
Mais comment faire lorsque l’assistance est plus nombreuse? Comment donner l’impression à chaque personne que vous vous adressez à elle personnellement par le regard?
On y parvient grâce à une technique utilisant une illusion d’optique. Une technique qui crée l’effet personnel d’un regard à distance. Chacun aura l’impression d’être en relation constante avec vous.
Procédé :
Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon (1) l’expriment très bien :
- Divisez mentalement votre salle en six zones.
- Choisissiez une personne au milieu de chacun de ces espaces.
- Regardez-la; vous donnerez aux personnes qui l’entourent, l’illusion que vous vous adressez également à elles.
- Réservez un regard individuel pour les participants des deux premières rangées. Regardez-les discrètement, sans insister.
- Évitez de balayer la salle du regard sans véritablement regarder les membres de l’assistance. Cette technique impersonnelle ne devrait être utilisée qu’avant de prendre la parole et après avoir terminé.
Référence :
Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, Communiquer en public sans anxiété, Éditons Multi Monde, 2017, page 167.
Pierre Blanchette, 13 novembre 2021
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LES MOTS, LA VOIX ET LES GESTES
Dans toute communication, les mots ont un impact très fort. Mais souvent moins que la voix et les gestes.
L’importance moyenne accordée par les spécialistes se situe autour de ces chiffres :
- Verbal (mots) : 10 %
- Para-verbal (rythme, timbre et mélodie de la voix) : 40 %
- Non-verbal (gestes, positions du corps, regard, respiration) : 50 %
Point d’ancrage aux mots prononcés
La mise en mémoire d’une homélie chez l’auditeur (comme de toute autre prise de parole) dépend en grande partie de la justesse des caractéristiques para-verbales et non-verbales du prédicateur. Ces aspects assurent le point d’ancrage aux mots prononcés.
La voix et les gestes de l’émetteur influencent l’état intérieur du récepteur.
Pour nous aider à en prendre conscience, imaginons un parent, dans un magasin, disant à son enfant de se tenir tranquille. S’il le dit avec un ton hésitant et un regard fuyant, l’effet ne sera pas le même que s’il lui dit avec un ton calme, affirmatif, et s’il le regarde dans les yeux en fronçant les sursis. Les mêmes mots « Tiens-toi tranquille » n’auront pas le même impact.
Imaginons ce même parent voulant que son enfant décroche de son ordinateur en allant jouer dehors. Les mots « Sortons à l’extérieur » prononcés sur un ton monocorde n’auront pas le même effet s’ils sont dits avec enthousiasme.
Des mots et des attitudes appropriés au texte biblique
Le pape François affirme dans l’exhortation apostolique EVANGELII GAUDIUM au numéro 147 que « Si un texte a été écrit pour consoler, il ne devrait pas être utilisé pour corriger les erreurs; s’il a été écrit pour exhorter, il ne devrait pas être utilisé pour instruire; s’il a été écrit pour enseigner quelque chose sur Dieu, il ne devrait pas être utilisé pour expliquer différentes idées théologiques; s’il a été écrit pour motiver la louange ou la tâche missionnaire, ne l’utilisons pas pour informer des dernières nouvelles. »
Il importe pour un prédicateur de reconnaître l’effet que l’auteur biblique a voulu produire et d’en tenir compte dans la transmission de son homélie, et ce, tant par les mots qu’il prononce que par ses attitudes para-verbales et non-verbales. Parler, même avec aisance, de l’amour sauveur de Dieu, néanmoins avec un air tristounet, n’aura pas l’effet escompté. Au contraire, quelques mots prononcés avec un regard d’émerveillement feront toute la différence.
Pierre Blanchette, 15 novembre 2021
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LA CAPACITÉ D’ÊTRE NATUREL
Quelques citations
« Rien n’empêche tant d’être naturel que l’envie de le paraître. » La Rochefoucauld (écrivain français du XVIIe siècle) (Référence : Décocitations (dictionnaire des citations) sur le web)
« Être naturel, dans les arts, c’est être sincère. » Joseph Joubert (moraliste et essayiste français né à Montignac le 7 mai 1754 et mort à Paris le 4 mai 1824) (Référence : Décocitations (dictionnaire des citations) sur le web)
« Être à l’aise à l’oral est rarement inné. C’est le fruit d’une préparation rigoureuse, de beaucoup d’entraînement et d’un engagement réel de sa personne… Sans oublier qu’il faut observer quelques règles de base pour retenir l’attention de son auditoire. » Françoise Berthon (Elle est expert-comptable, directrice du cabinet Berthon.) (Référence : Douze règles d’or pour parler en public sur le web)
En résumé, la capacité d’être naturel, c’est :
- Éviter l’envie de le paraître (humilité) ;
- Être sincère;
- À l’oral, c’est le fruit d’une préparation et d’une implication de toute sa personne.
Au premier plan : l’intégrité
Pour un prédicateur, être soi-même acteur de ce qu’on affirme fait toute la différence. Par son désir de prendre la parole, il répond à un appel et, de façon indissociable, il a une responsabilité à l’égard des autres. Prêcher est un acte solidaire.
L’intégrité, cette forme de correspondance positive entre la parole et le geste, ça se voit dans le regard, le sourire, l’écoute. C’est le véhicule sur lequel repose les mots. L’intégrité transporte la parole dans les cœurs.
Le va-et-vient de bienveillance entre le prédicateur et l’auditeur a un effet de contagion au plan communautaire. Un cœur touché en touche d’autres. Le Corps mystique se développe ainsi.
La capacité d’être naturel, c’est l’art de correspondre à ce que nous avons du plus fondamental dans notre nature, l’amour.
Pierre Blanchette, 5 janvier 2022, site dondedieu.org
LE TRÉSOR DU LANGAGE
À l’été 1965, âgé de 7 ans, j’ai vécu un double deuil en l’espace de quelques jours. Cet évènement provoqua en moi un trouble affectif qui se traduisit par un blocage au niveau de l’expression orale. Ce problème pris fin en 1973. Que s’est-il passé? Au printemps de cette année, de façon surprenante, mon enseignant d’anglais au secondaire me fit venir à son bureau. Il m’invita à demander à la vierge Marie de me guérir. Il ajouta qu’elle se servirait un jour de ma parole pour faire le bien. Quelques mois plus tard, dans mon village près de St-Hyacinthe, sous l’animation d’une dame exceptionnelle, Flore Desmarais, je décide de participer à la neuvaine de Sainte-Anne afin de concrétiser cette interpellation. Pendant les semaines qui suivirent, la guérison s’opéra peu à peu. Par la suite, avec une conscience vive du privilège du langage, ma vocation d’éducateur pris forme.
« Dire, c’est agir. Les mots sont des actes. » (Thérèse d’Avila, Le chemin de perfection, chap. 32)
Les mots ont une force d’action. On le sait, ils peuvent détruire comme ils peuvent provoquer la vie. Les hommes et les femmes exerçant une fonction sociale par leur parole (journaliste, humoriste, politicien, enseignant, etc) ont ainsi une grande responsabilité. Il en est de même pour toute personne engagée en Église, notamment celles qui exercent un ministère de la Parole.
Un piège
Un orateur, sans l’attention respectueuse à l’autre, risque de sombrer dans la suffisance, le contrôle et l’égocentrisme. L’écoute permet d’éviter ce piège.
La place de l’écoute dans l’homélie
Dans la préparation de l’homélie s’exercent les premières attitudes d’écoute du prédicateur.
D’abord par l’écoute du texte biblique: « Le premier pas, après avoir invoqué l’Esprit Saint, consiste à prêter toute l’attention au texte biblique, qui doit être le fondement de la prédication. » (Pape François, Evangelii Gaudium, no 146)
Puis par l’écoute du peuple : « Le prédicateur doit aussi se mettre à l’écoute du peuple, pour découvrir ce que les fidèles ont besoin de s’entendre dire. De cette façon, il découvre les aspirations, les richesses et limites, les façons de prier, d’aimer, de considérer la vie et le monde. » (Pape François, Evangelii Gaudium, no 154)
Pendant l’homélie, l’écoute du prédicateur s’exerce également. Par un regard attentif. Par une profondeur de questionnement qui fait cheminer davantage que les affirmations directes. Le questionnement renvoie l’auditeur à lui-même, à sa propre écoute intérieure.
Pierre Blanchette, 2 janvier 2022, site dondedieu.org
LA PÉDAGOGIE DE JÉSUS
Les citations dans ce texte sont tirées du livre suivant : René Laurentin, Vie authentique de Jésus Christ, Fayard, 1996, 540 pages.
Équilibre entre intuition et raison
La raison et l’intuition se complète. La raison ne fait qu’ordonner et organiser ce qui émerge de l’intuition.
« Plus profondément, comme l’a manifesté le neurologue Philippe Loron, Jésus connaissait la priorité de l’hémisphère droit du cerveau (côté intuition), sur l’hémisphère gauche (le rationnel) et l’importance d’en assurer l’équilibre et le bon ordre, car l’intuition précède le raisonnement, l’évidence guide l’analyse. Jésus ira constamment du récit à l’explication, parfois superflue. » (p. 163)
La place de l’image
« Jésus enseignait, non en professeur ou en docteur, mais en homme qui connaît le cœur humain et en parle le langage : non l’abstraction, mais l’image. » (p. 163)
Les auditeurs « … accueillent les images mieux que l’abstraction, les récits, mieux que les idées… » (p. 163)
La parabole, une image qui « donne à penser »
Dans la parabole ou l’anecdote, ce qu’il y a d’efficace, c’est la façon inattendue dont se termine le récit, tout en laissant transparaître un message d’une grande sagesse.
La parabole, « C’est une énigme (hébreu : mashal), une invitation à la découverte… » (p. 164)
La question
La « question » est un autre procédé pédagogique employé par Jésus.
L’affirmation directe provoque moins d’impact sur l’apprentissage que ce qui résulte d’une réflexion personnelle suite à une question. La question permet aux auditeurs d’en venir à leur propre conclusion et de les inciter à l’action. Jésus le savait bien.
Exemple : « Si notre vie était un contre-témoignage de l’amour de Dieu, l’accepteriez-vous? » Cette question a plus d’impact que d’affirmer : « Il faut que notre vie témoigne de l’amour de Dieu. »
Pierre Blanchette, 3 janvier 2022, site dondedieu.org
CE QU’EST L’HOMÉLIE
ET CE QU’ELLE N’EST PAS
Être prédicateur, c’est entrer dans un mouvement de Vie dont le désir de faire connaître Jésus-Christ est la raison d’être de tous les efforts.
Inspiré par le Pape François (ref. Exhortation apostolique EVANGELII GAUDIUM), l’homélie repose sur les cinq aspects suivants :
- Lien avec la célébration
- Harmonie et rythme
- Des cœurs brûlants
- Des images parlantes
- Sens de la Parole de Dieu
Pour chacun de ces aspects, à partir d’ÉVANGELII GAUDIUM, j’ai dégagé « ce qu’est l’homélie » et « ce qu’elle n’est pas ».
1er aspect : LIEN AVEC LA CÉLÉBRATION
Ce qu’est l’homélie : « Elle doit donner ferveur et sens à la célébration. » (no 138)
Par conséquent, ce qu’elle n’est pas : « L’homélie ne peut pas être un spectacle de divertissement, elle ne répond pas à la logique des moyens médiatiques… » (no 138)
2ème aspect : HARMONIE ET RYTHME
Ce qu’est l’homélie : « C’est un genre particulier, puisqu’il s’agit d’une prédication dans le cadre d’une célébration liturgique. » (no 138)
Par conséquent, ce qu’elle n’est pas : « … par conséquent, elle doit être brève et éviter de ressembler à une conférence ou à un cours… Si l’homélie se prolonger trop, elle nuit à deux caractéristiques de la célébration liturgique : l’harmonie entre ses parties et son rythme. » (no 138)
3ème aspect : DES CŒURS BRÛLANTS
Ce qu’est l’homélie : Dans l’homélie, il « se développe le dialogue du Seigneur avec son peuple, moyennant la proximité du cœur du prédicateur, la chaleur de son ton de voix, la douceur du style de ses phrases, la joie de ses gestes. » (no 140)
Par conséquent, ce qu’elle n’est pas : « La prédication purement moraliste ou endoctrinante, comme aussi celle qui se transforme en cours d’exégèse, réduit cette communication entre les cœurs qui se fait dans l’homélie… » (no 142)
4ème aspect : DES IMAGES PARLANTES
Ce qu’est l’homélie : « … que la beauté des images que le Seigneur utilise pour stimuler à la pratique du bien se communique… » (no 142)
Par conséquent, ce qu’elle n’est pas : « … il ne doit pas s’agir de vérités abstraites ou de froids syllogismes. » (no 142)
5ème aspect : SENS DE LA PAROLE DE DIEU
Ce qu’est l’homélie : « Le défi d’une prédication inculturée consiste à transmettre la synthèse du message évangélique… » (no 143)
Par conséquent, ce qu’elle n’est pas : « … et non des idées ou des valeurs décousues. » (no 143)
Pierre Blanchette, 3 janvier 2022, site dondedieu.org
LES 15 TYPES D’HOMÉLIE À ÉVITER À TOUT PRIX
Voici un texte publié par Aletia, ZENITH/17 juin 2015, adapté du père Antonio Rivero par Élizabeth de Lavigne
Vous aimerez le côté imagé des exemples présentés.
Comme il est difficile de prêcher, de faire une bonne homélie ! Mais quelle serait l’homélie de vos rêves ? Récemment, le Pape François avait confié à 19 nouveaux prêtres ses conseils pour que leurs homélies ne soient pas ennuyeuses : qu’elles viennent du cœur ! Eh bien, ce qui semble clair, c’est ce que l’homélie NE doit PAS être. Voici quelques exemples :
1. L’homélie improvisée : Celle que le prêtre « prépare » juste au moment où il revêt l’aube, le cordon, l’étole et la chasuble pour célébrer la sainte Messe.
2. L’homélie livresque : Qui a une odeur de livres ou de bureau ; homélie académique, mica, froide comme le marbre, qui ne parle pas au cœur, ne fait pas partie du langage des personnes qui l’écoutent.
3. L’homélie archéologique : Celle dans laquelle le prédicateur se plaît à faire des incursions dans des détails secondaires sur les pharisiens, les esséniens, les drachmes, les stades, la sixième heure, l’atrium, le puits… Il n’explique pas le message de Dieu, mais des curiosités périphériques.
4. L’homélie romantique : Qui cherche à provoquer des larmes, des sourires et de l’eau sucrée, à base d’exclamations, d’interjections, de cris, un langage paternaliste avec des adjectifs tendres, des diminutifs et des augmentatifs.
5. L’homélie démagogique : Avec des paroles et encore des paroles, elle cherche à contenter le public, trahissant aussi bien le message évangélique que les destinataires du message, défigurant et faussant la doctrine du Christ.
6. L’homélie littéraire : Plus qu’une prédication sacrée, il s’agit d’un exercice littéraire ou poétique.
7. L’homélie anthologique : Celle qui devient une occasion de rappeler et de placer toutes les phrases, sentences, textes, poèmes et définitions qu’un prédicateur a apprises par cœur ou trouvé dans ses archives.
8. L’homélie mollusque : Invertébrée, gélatineuse, sans arguments, sans contenu, sans thème. Elle n’a pas terminé un sujet que déjà elle en commence un autre.
9. L’homélie brique : Idées pures, sans rapport avec la vie concrète de l’assemblée. L’homélie devrait arriver, en quelque sorte, jusqu’à la cuisine de la maîtresse de maison, au bureau du père de famille, à la chaise de l’étudiant… Mais l’homélie brique est trop lourde pour arriver jusque-là.
10. L’homélie spaghetti : Elle s’enroule, s’enroule, s’enroule… casse les pieds de ceux qui l’écoutent et les fait bâiller.
11. L’homélie universitaire : Aborde beaucoup de sujets, sans en concrétiser un seul.
12. L’homélie répétition de l’Évangile : Elle ne parvient pas à extraire un message de l’Évangile pour les personnes qui écoutent, se bornant à répéter ce qui a été lu. Serait-ce que le prédicateur est incapable de tisser une homélie savoureuse avec une idée claire et bien présentée ? Celui qui écoute n’est pas idiot !
13. L’homélie technique : Emploie tout le temps un langage théologique incompréhensible : metanoia, anaphore, parousie, épiphanique, hystérique, pneumatique, mystagogue, eschatologie, transsubstantiation… L’homélie n’est pas un cours de théologie, mais une conversation cordiale avec les paroissiens et l’assemblée.
14. L’homélie bâtarde : Le prédicateur saupoudre son propos de mots d’argot. Il rabaisse ainsi la parole de Dieu, la dignité du prophète et la dignité des fidèles, ceux que saint Paul appelle « les saints du Seigneur ». Le prédicateur ne doit jamais se rabaisser, car il parle au nom du Christ et de l’Église.
15. L’homélie du mauvais pilote : Le prédicateur ne sait pas décoller ni atterrir. Il fait plusieurs tours et jamais ne termine. Il va jusqu’à annoncer : « Et pour terminer… » mais prend de l’altitude et fonce dans les nuages… « Et maintenant pour terminer… » et le voilà reparti pour un tour. S’il vous plaît, terminez et vite !
À présent que nous avons vu comment ne doit pas être une homélie, reste à définir ce que serait une bonne homélie… et un bon paroissien !
S’ADAPTER À LA RÉALITÉ DU XXIe SIÈCLE
Référence :
Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, Communiquer en public sans anxiété, Éditions MultiMondes, Distribution Montréal et Paris, 2017, 175 pages.
Pape François, Exhortation apostolique EVANGELII GAUDIUM.
Introduction
« Les modèles de communication moderne ont évolué; ils sont axés plus que jamais vers la rapidité, la limpidité et l’efficacité. » (Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, p. 34)
La prédication n’y échappe pas.
En parallèle à certains aspects que font ressortir Renée Hudon et Valérie Auger, j’ai associé les propos du Pape François.
Proximité
« La communication orale se veut désormais de proximité… Aujourd’hui, le communicant est flexible et s’adapte sur le terrain aux réalités de son interlocuteur. » (Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, p. 34)
Pape François : « Il s’agit de relier le message du texte biblique à une situation humaine, à quelque chose qu’ils vivent, à une expérience qui a besoin de la lumière de la Parole. » (no 154)
François énumère ainsi « certaines expériences humaines fréquentes, comme :
- La joie d’une rencontre nouvelle;
- Les déceptions;
- La peur de la solitude;
- La compassion pour la douleur d’autrui;
- L’insécurité devant l’avenir;
- La préoccupation pour une personne chère, etc
… il faut cependant avoir une sensibilité plus grande pour reconnaître ce qui intéresse réellement leur vie… Rappelons qu’on n’a jamais besoin de répondre à des questions que personne ne se pose. » (no 155)
Capacité d’attention, durée d’intervention et instantanéité
« La qualité et la durée de l’attention ont grandement diminué depuis plusieurs années.
On attribue ce phénomène au nombre considérable d’informations que nous recevons et à la diversité des technologies que nous utilisons.
La capacité d’attention de l’auditoire ayant diminué de façon générale, l’intervention est désormais plus brève.
À l’ère numérique, les communications sont plus que jamais transmises en mode vitesse éclair. Le public veut une information rapide, succincte et précise. » (Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, p. 34 et 35)
Pour appuyer cette affirmation, François cite la Bible : « Résume ton discours. Dis beaucoup en peu de mots » (Si 32,8). (no 156)
Trois niveaux de langage
- Langage courant : Il « est désormais celui qui est le plus employé dans le cadre d’activités communicationnelles (conférence, radio, télé, journaux). »
- Langage soutenu : « Le niveau soutenu est suggéré lors de conférences internationales afin d’assurer la compréhension et la clarté du propos pour le plus grand nombre possible d’auditeurs. »
- Langage familier : « Le niveau familier convient à la parole spontanée. »
(Renée Hudon et Valérie Auger-Hudon, p. 35)
Pour l’homélie, le Pape François invite à allier simplicité et clarté du langage comme on le retrouve dans le langage courant.
François cite Paul VI qui affirmait que la prédication doit être « simple, claire, directe, adaptée. »
« Le langage peut être très simple, mais la prédication peut être peu claire. Elle peut devenir incompréhensible à cause de son désordre, par manque de logique, ou parce qu’elle traite en même temps différents thèmes. » (no 158)
Pierre Blanchette, 4 janvier 2022, site dondedieu.org
GRANDS PRINCIPES DE COMMUNICATION EN PUBLIC
Synthèses régulières :
(Source : Adaptation de Charline Licette, Savoir parler en public, Groupe Studyrama, 2017, page 126.)
Le développement d’une homélie, comme de toute prise de parole en public, est découpé en étapes menant vers la conclusion.
Pour marquer la transition vers une nouvelle étape, le prédicateur reformule brièvement les points essentiels de l’étape précédente.
En plus de favoriser la transition entre les étapes, donc maintenir le fil conducteur, ces reformulations ou synthèses facilitent l’intégration de l’étape précédente et le lien avec la nouvelle étape.
Importance de l’introduction (démarrage) et de la conclusion :
(Source : Adaptation de Charline Licette, Ibid, page 126.)
L’introduction permet un premier contact, ce qui est vital pour la suite. Et la conclusion laisse une dernière impression qui favorise une prise de position (décision, action) chez l’auditeur.
C’est pourquoi il faut accorder le plus grand soin à ces deux composantes de votre homélie.
Comment un avion vole-t-il?
« Lorsque l’air s’écoule sur l’aile d’un avion, il se produit un phénomène physique qui donne naissance à une force appelée portance. C’est cette force qui compense le poids de l’avion et permet à celui-ci de voler.
Si la vitesse de l’avion est trop faible, l’air ne s’écoule pas assez vite autour de ses ailes. Le phénomène de portance disparaît, l’avion tombe comme une pierre. On dit qu’il « décroche ». Lorsque ce décrochage se produit à haute altitude : l’avion part en vrille, mais un bon pilote peut reprendre le contrôle de l’appareil. Lorsqu’il se produit à basse altitude, c’est la catastrophe : l’avion s’écrase au sol.
Comment éviter le décrochage pour échapper à l’accident?
La règle d’or: “never low and slow”. C’est-à-dire qu’un pilote ne doit jamais voler lentement à basse altitude. » (François Laure, Le guide des techniques d’animation, 2e édition, Dunod, Paris, 2004, page 17.)
Quel rapport avec l’homélie?
(Source : Adaptation de François Laure, Ibid, pages 17 et 18.)
Faire une homélie, c’est être capable de piloter un groupe. Piloter, c’est être capable de maîtriser les 3 phases du vol.
- Décollage
- Navigation
- Atterrissage
Créer la portance, c’est établir le contact avec l’auditoire.
Décrocher, c’est être coupé de l’auditoire : c’est la pire chose qui puisse arriver à un prédicateur.
La vitesse, c’est le rythme imposé par le prédicateur : si le rythme est trop lent, l’auditoire décroche, l’homélie s’écrase.
Que signifie « never low and slow » pour l’homélie?
Les phases de décollage (démarrage) et d’atterrissage (conclusion) sont les phases critiques de l’homélie. Un prédicateur ne doit pas hésiter dans la première minute ni dans la dernière minute de son homélie.
Ces deux phases (introduction et conclusion) sont des séquences qui doivent être :
- Préparées.
- Courtes.
- Dynamiques.
- Percutantes.
Pierre Blanchette, 4 janvier 2022, site dondedieu.org
LA PLACE DU SILENCE DANS L’HOMÉLIE
Un autre rapport au temps
Nous fonctionnons le plus souvent dans le temps du mental (spéculation sur les choses à faire, nos possibilités, nos limites). Le silence nous fait pénétrer dans des eaux plus profondes, là où le « sens » circule allègrement. Un peu à l’image de l’activité sous-marine sous la glace gelée d’un lac.
Le travail intérieur du silence nous assure un lien vital avec le monde. Pensons au regard silencieux et attentif des amoureux grâce auquel leurs projets de vie prennent sens et s’enracinent. Ou encore à l’attention silencieuse du travailleur (médecin, artisan, ou autre) devant une problématique à résoudre.
Le silence et les mots
Sans le silence, la suite des mots perd sa signification.
Par exemple, enlevons la fonction de pause silencieuse de la minuscule virgule ou du point final dans une phrase, la compréhension globale du texte en prendra pour son rhume.
Inversement, un silence vide de paroles intérieures atteint difficilement sa fonction de prise de conscience.
Et l’homélie dans tout ça…
L’homélie est une prise de parole brève ayant pour fonction de conduire à la réflexion, à la décision et à l’action. L’homélie, c’est un style oral dynamique. Il ne faut pas pour autant succomber à la tentation d’être un verbaux-moteur, de tout dire rapidement pour ne rien oublier.
Le prédicateur doit harmoniser judicieusement « parole et le silence » pendant sa prise de parole. Comment?
Le silence permet d’insister sur un point important (affirmation, question) par UNE PAUSE AVANT ET UNE PAUSE APRÈS. Les éducateurs (parents, enseignants) le savent bien. Avant de transmettre une consigne, ils attirent l’attention de l’enfant par un regard silencieux. Après l’énoncé de la consigne, une autre pause silencieuse favorise l’intégration du message.
Le premier silence attire l’attention. Et le second donne de l’importance aux paroles prononcées.
Pierre Blanchette, 7 janvier 2022, site dondedieu.org
L’ART DE RACONTER DES HISTOIRES
Vous avez pris un soin de moine pour préparer votre homélie. Vous souhaitez ne pas prêcher dans le vide. Vous souhaitez capter l’attention dès le début. Alors commencez par une histoire (évènement, conte, anecdote).
Choix de l’histoire
Le choix est fait en fonction de deux éléments : le message central du texte biblique, celui que l’auteur a voulu livrer; puis les préoccupations des auditeurs qui, de façon générale, tournent autour de la sécurité, l’appartenance, la santé, l’estime et l’accomplissement.
Les émotions suscitées par l’écoute d’une histoire provoquent dans le cerveau un intérêt pour ce qui suivra dans l’homélie. L’histoire fait « image » et stimule la compréhension.
Un procédé vieux comme le monde
Une histoire se structure en trois temps :
- SITUATION INITIALE
- ÉVÈNEMENT PERTURBATEUR (un fait qui trouble la situation initiale)
- DÉNOUEMENT
Exemple :
- Situation initiale : Par un dimanche ensoleillé, Charles, âgé de 59 ans, se dirige vers l’église pour assister à la messe. Déjà calme et recueilli par un parcours à pied de 2 kilomètres, il entre à l’église et prend place. Il aime bien sa vie de jeune retraité loin des préoccupations.
- Évènement perturbateur : Soudain, un bruit intense suivi de grands cris retentissent dans l’église. Il se retourne vivement, et aperçoit dans le portique un jeune homme en crise. Instinctivement, il se dirige vers lui, met ses bras autour de ses épaules pour le calmer et ne pas qu’il se blesse. (Charles, un ancien psychoéducateur, sait quoi faire dans ce genre de situation.)
- Dénouement : Il l’amène à l’extérieur, lui demande son prénom. Alex. C’est un étudiant dans la vingtaine atteint d’une forte dépression associée à un trouble bipolaire. Il est très amaigri. Il exprime à Charles sa détresse. Ce dernier l’écoute avec grande attention, puis l’invite à assister avec lui à la messe déjà commencée, après quoi ils iront prendre un repas et poursuivre leur échange. L’attention de Charles a un effet d’apaisement pour Alex.
Ce dimanche-là, à la communion, près d’Alex, la présence du Christ dans l’Eucharistie prit un sens tout à fait nouveau pour Charles.
Fin de l’histoire.
Après, le prédicateur développe ainsi :
- Il cite un extrait de la Parole du jour « … ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mt 25, 40
- Il explique en quoi la communion au Christ dans l’Eucharistie est INDISSOCIABLE de l’Amour du prochain.
Finalement, il pose cette question suivi d’un temps de silence : En quoi votre pratique religieuse change quelque chose dans votre vie quotidienne?
À retenir : Le public aime les faits
Prenez exemple sur les journalistes. Contez les histoires avec des phrases illustrant les questions suivantes : Qui? Quand? Où? Quoi? Comment? Pourquoi? Cela fera « image » et sèmera l’intrigue dans la tête des auditeurs. Ils s’imagineront différents scénarios. Ils voudront tous connaître la suite.
Pierre Blanchette, 8 janvier 2022, site dondedieu.org
DE LA COMMUNICATION À LA TRANSMISSION
J’ai déjà écrit un autre texte sous ce titre ailleurs dans le site. Mais comme le sujet de la TRANSMISSION m’apparaît essentiel dans toute communication, je veux y revenir. Il y a trop souvent de prises de parole pour lesquelles nous retenons très peu de chose. Sans la fonction de transmission, une société serait complètement bloquée dans son évolution.
Je me suis alors questionné : Qu’est-ce qui fait que l’on apprend? Quelles en sont les conditions?
Quand un orateur comprend et tient compte des principaux mécanismes d’apprentissage des individus, la parole qu’il va émettre aura davantage d’impact. Sa communication deviendra transmission.
Deux lois qui permettent d’apprendre
Comme la pièce d’une automobile que l’on appelle « transmission » fait mouvoir le véhicule en actionnant certains engrenages, il existe deux lois qui, une fois enclenchées, nous permettent d’apprendre. C’est ce que révèlent les neurosciences.
Je reviens ici sur quelques éléments de la recherche de Céline ALVAREZ.
Les citations suivantes sont tirées de son texte dans le livre Transmettre, Éditions Gallimard ltée, 2017, pages 56.
- LA MOTIVATION : « L’être humain ne peut pas apprendre lorsqu’il n’est pas motivé. »
- LE LIEN SOCIAL POSITIF : « L’être humain ne peut pas apprendre ni se développer correctement dans un environnement où il ne se sent pas positivement relié à l’autre. (…) il n’est pas câblé pour cela. Lorsqu’il se sent jugé par exemple, cela provoque un stress qui lui est toxique, qui abime des structures cérébrales aussi fondamentales que celles de la mémoire (…) »
Je vous laisse avec cette question :
COMMENT NOS CÉLÉBRATIONS LITURGIQUES, NOTAMMENT LES HOMÉLIES, PEUVENT-ELLES CRÉER DES CONDITIONS QUI RÉPONDENT À LA MOTIVATION ET AU LIEN SOCIAL POSITIF ?
Pierre Blanchette, 10 janvier 2022, site dondedieu.org