Le tout début de mon cheminement – Père Michel Boyer OFM
LE TOUT DÉBUT DE MON CHEMINEMENT
QU’AS-TU QUE TU N’AIES REÇU (1 Co 4,7)
Ces paroles de saint Paul me font réaliser le don que j’ai reçu par la méditation chrétienne. En 1979, j’arrive à 35 ans. Je traverse une période de questionnement. Après mes études pastorales, je suis fortement impliqué en quartier populaire à Montréal. J’y fais des découvertes décapantes sur la vie. Peu à peu, la dispersion, l’agitation, la fatigue me gagnent. Je sens le besoin d’une plus grande intériorité, de donner ainsi plus de solidité à mon engagement qui est fragilisé.
Ce don de la méditation chrétienne vient à moi grâce à un confrère franciscain anglophone qui est au courant de ma recherche. Il m’invite à visiter cette petite communauté de moines bénédictins, établie à Montréal depuis l’automne 1977. On y enseigne la méditation chrétienne, appelée aussi prière contemplative. Les moines du désert disent: quand le disciple est prêt, le maître apparaît. Le 10 septembre 1979, je me présente à la séance de méditation, à leur première résidence à Montréal, sur la rue de Vendôme. C’est le jeune Laurence Freeman qui m’accueille.
Dès mon arrivée, je suis sous le choc, étonné de voir ainsi 20 personnes assises en silence, soutenues par une musique douce. Oui, c’est un choc, mais en même temps le fort sentiment d’entrer chez moi. Oui, j’y découvre ma demeure intérieure, espérée depuis un bon moment. C’est le début d’un pèlerinage qui va durer maintenant depuis plus de 40 ans. De septembre ’79 à juin ’83, je vais fréquenter le monastère, au moins une fois semaine, même si John Main est décédé en décembre ’82. J’ai été frappé comment ce maitre spirituel avait le don de parler, habituellement avec une certaine brièveté, mais aussi avec autorité, parce qu’il parlait à partir de sa propre expérience, sans rechercher d’être admiré comme un gourou. Il nous renvoyait simplement à notre liberté.
À partir de l’été ’83, j’ai médité seul pendant 10 ans. Je ne suis pas un exemple à suivre! Et puis, à l’automne ’93, j’apprends qu’une retraite de fin de semaine en français, avec le père Laurence Freeman, s’organise. J’y participe avec une quarantaine de personnes. Peu de temps après, à l’invitation de Michèle Dubuc, la première coordonnatrice pour la méditation chrétienne, je vais m’impliquer dans la mise sur pied d’un conseil d’administration provisoire. Et d’autres implications vont suivre, jusqu’à accepter la coordination générale, de 2003 à 2015. Quand on met la main à la roue, on ne sait trop où cela va nous conduire… Ainsi, le don que j’ai reçu en 1979, j’ai été à même, au fil des années, de le partager à mon tour à la communauté de la méditation qui a grandi.
Avec ce regard rétrospectif, quoi dire ? Sinon un fort sentiment de gratitude pour tout ce que j’ai reçu des uns et des autres, mais aussi de cette prière de silence qui m’a transformé pour être ce que je suis devenu : une plus grande confiance, une simplicité grandissante, une vie de foi qui va à l’essentiel, un goût pour la Parole de Dieu. Avec modestie, je crois que la prière de silence m’a aidé à grandir en humanité, avec un cœur plus aimant et plus capable de compassion.
De l’avis de John Main, il est important de garder vivante en nous la conscience d’être constamment en chemin. Pour lui, cela a tout autant d’importance que d’arriver à destination. À mon expérience, rester en chemin demande du courage et de l’humilité, mais fait appel aussi de marcher avec d’autres chercheurs de Dieu. Le don de la communauté m’aide à éviter les faux sentiers, à y trouver un soutien inestimable, à garder le chemin par-delà les temps de lassitude qui nous guettent par moment.
Michel Boyer, franciscain
Trois-Rivières
2 juin 2021
© Michel Boyer, 2021